
Peut-on s’opposer à la numérisation du monde et y résister sans être réactionnaire pour autant ? C’est la question que se pose l’auteur de ce livre, Matthieu Amiech, un des animateurs des éditions La Lenteur. Son ouvrage a pour principal objectif de faire entrer la technologie dans le champ de la délibération politique. Matthieu Amiech pense que le numérique est « un fait social total ». Selon lui, c’est un phénomène qui bouleverse à la fois le travail et la sociabilité, la consommation et les liens avec les administrations, l’école et la sexualité. Il va jusqu’à dire qu’il y a même une dimension existentielle dans le rapport qu’ont beaucoup de gens avec leur smartphone, au sens où tous les moments de pause entre deux activités, tous les moments où l’on se « ressaisit » sont immédiatement captés par l’écran et le réseau. Les positions que défend l’auteur dans ces textes sont ancrées dans une critique sociale et culturelle, soucieuse à la fois d’égalité, de justice, d’autonomie individuelle et collective face aux normes et institutions établies. Il se défend des accusations de « dérive réactionnaire » qu’on lui attribue. C’est précisément tout l’enjeu de son livre que celui de démontrer que « le développement de la technologie permanent et programmé est un outil de choix dans l’arsenal des couches dirigeantes, pour réduire à néant les formes de solidarité et de justice sociale existantes, les liens directs avec les gens, les capacités populaires de résistance ; et qu’il est donc possible et indispensable de s’opposer à ce développement, sans être réactionnaire, au contraire ». Dès lors, des pistes stratégiques sont proposées, celles entre autres de rétablir un lien direct, tactile, avec nos milieux de vie, sans pour autant changer nos habitudes d’hommes et de femmes connectés.
Sabine BeaucampPeut-on s’opposer à l’informatisation de nos vies ?
Matthieu Amiech
La Lenteur, 2024