Il est de ces livres qu’on sait d’avance qu’on ne les lira qu’une fois. Et puis il y a ceux qui peuvent prendre domicile sur le table du bureau, pendant plusieurs années et de préférence à portée de main. Plurivers, un dictionnaire du post-développement fait partie de cette seconde catégorie. Chaque terme de ce titre d’ouvrage possède son importance. En effet, tout d’abord celui de « Plurivers », un terme qui peut d’abord faire penser à l’univers marvelien et sa ribambelle de super-héros et de super-héroïnes. Mais il n’en n’est rien. Enfin si, mais ici les capes sont portées par exemple par Vandana Shiva, Silvia Federici, Michaël Löwy ou encore Ariel Salleh. Quatre auteur·trices parmi les 124 contributions qui composent ce pavé. Des contributions issues des quatre coins du monde, qui témoignent de stratégies, conscientes et parfois de survie, face à un diktat recouvert de soi-disant bonnes volontés, à visées universalistes et aux relents capitalistes, patriarcaux et coloniaux, celui du sacro-saint nommé développement. Une norme à laquelle tout pays serait sommé d’adhérer et chaleureusement poussé dans le dos afin de mettre en place ce qui est requis pour la faire sienne, sous peine d’être étiqueté de « « sous-développé » et de ne pouvoir, dès lors, pas pouvoir jouer dans la cour des « grands ». Et puis aussi accepter, sans chicaner, qu’un grand frère montre la marche à suivre et se serve un peu au passage de ce qu’il pourra se mettre sous la main. Le Plurivers ici proposé, c’est donc une multitude de points de vue (et on n’ose imaginer l’immense travail de coordination qui a dû être déployé !), dressant d’une part les constats dévastateurs après le passage du rouleau compresseur hégémonique, des pistes de solutions mises en place afin de résister, mais aussi un recensement de ces poches de connaissances et de pratiques traditionnelles, miraculeusement encore préservées et tellement porteuses de sens. Plurivers, c’est un catalogue de ressources nécessaires et vitales pour quiconque ayant encore la conviction que demain pourrait être plus radieux, face à un monde qui semble pourtant être cadenassé et dont la machinerie n’est plus sous contrôle. L’herbe est quand même peut-être parfois plus verte ailleurs.
Pierre VangilbergenPlurivers, un dictionnaire du post-développement
Coordonné par Ashish Kothari, Ariel Salleh, Arturo Escobar, Federico Demaria et Alberto Acosta
Wildproject, 2022