Dans cet essai organisé en 45 courts chapitres, le sociologue Manuel Cervera Marzal butine et baguenaude avec plaisir tout en adoptant des positions iconoclastes sur la post-vérité et le populisme. Pour lui, ces deux phénomènes ne seraient pas des menaces pour la démocratie mais constitueraient au contraire des outils propices à sa régénération. Ainsi, pour l’auteur, le mensonge est la condition de l’action politique et nous serions bien avisés de nous inquiéter de la présentation du fact checking comme une révolution alors qu’en fait il s’agit, tout bien considéré de la tâche la plus élémentaire d’un journalisme digne de ce nom. La post vérité, ce concept inventé par les représentants du conservatisme politique et religieux états-unien qui imputent l’avènement de la post-vérité au relativisme de la gauche libérale, serait le signe d’une crise d’autorité où le public se détourne non de la vérité mais de la parole des experts médiatiques.
Dans cet essai que l’auteur désigne comme un exercice d’exploration qui oblige à penser, il réhabilite également le populisme en affirmant pour commencer (en guise de boutade) que tous les partis sont populistes puisque tous les partis construisent le(ur) peuple. Puis il revisite l’histoire de ce style politique (il rappelle ainsi que les populistes américains défendaient la nationalisation des chemins de fer et de la poste, l’usage du référendum populaire, le droit de vote des femmes et la limitation du nombre de mandats) et insiste sur le fait que les populistes russes et américains ne se soumettaient aucunement à un leader. Cet essai, sous des dehors un peu provocateurs, s’avère très inspirant et se lit assez aisément.
Olivier StarquitPost-vérité. Pourquoi il faut s’en réjouir
Manuel Cervera Marzal
Editions du Bord de l’eau, 2019