Un homme et sa fille vivent paisiblement dans une ferme isolée des steppes kazakhes. La complicité, la rudesse de la vie entre un père et sa fille, la solitude nous saisissent dans des plans composés d’une rare beauté qui conjuguent le grand cinéma russe et l’art photographique. Le film du cinéaste russe Alexander Kott montre le décalage de leur vie avec l’humanité où seuls deux garçons, un Moscovite et un Kazakh, apparaissent dans des scènes magnifiques pour se disputer le cœur de la jeune fille. Le film est quasi muet et poétique. On n’y entend que le souffle du vent. Cependant on devine une menace sourde qui se fait sentir dans ce film comme si ce souffle nous préparait à une tempête imminente, pesante et destructrice. Et c’est bien le cas, car ce souffle, c’est aussi celui des explosions nucléaires qui menacent au loin dans la steppe. Alexander Kott va au bout de son projet esthétique, il nous fait vivre le souffle atomique d’un essai nucléaire. Un de ceux que le gouvernement soviétique a menés entre 1949 et 1989 dans le « polygone » de Semipalatinsk en utilisant les populations kazakhes à des fins expérimentales. Au travers de la beauté et les grandes étendues des paysages, le galop du cheval, le départ d’un avion sans ailes, la vie qui s’écoule pareille, répétitive de jour en jour. Au travers de la plénitude qui s’y dégage, de ce vent qui vous caresse comme il peut vous fouetter se déroule un film russe sans parole sur fond d’essais nucléaires. Mais la parole n’est finalement aucunement nécessaire. Une vraie réussite à couper le souffle !
Sabine BeaucampLe souffle
Un film d’Alexandre Kott
ZED, 2015