Alors que la gauche apparait souvent comme une sorte de morale au moment même où la droite et l’extrême droite disent de plus en plus qu’on ne peut plus rire de tout, Michaël Foessel nous invite dans ce livre essentiel à redécouvrir la dimension politiquement subversive du plaisir. Ce dernier apparait en effet souvent comme un angle mort dans le champ politique actuel. Il est absent du discours, mais pas de la pratique politique. Selon le philosophe si le plaisir est une notion qui est un peu laissée de côté, au profit du désir, c’est parce qu’il est souvent assimilé à l’idée de jouir du monde tel qu’il est, c’est-à-dire de collaborer, d’une certaine façon, avec lui. Mais cette manière de voir les choses ne définit pourtant pas tous les plaisirs. La gauche n’a ainsi aucune raison d’abandonner l’allégresse à la pensée réactionnaire car un plaisir s’augmente d’être partagé. Foessel nous indique d’ailleurs bien comment les voies ascétiques sont vouées à l’échec car elles renoncent à transformer le monde : « Pour faire face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés, il ne suffit pas de s’en prendre à l’individu consommateur en lui demandant de renoncer à ce qu’il possède, surtout lorsqu’il ne possède pas grand-chose, il faut aussi défendre une conception du plaisir alternative ». Avec cet ouvrage, Michaël Foessel, professeur à l’école polytechnique, enjoint la gauche à ne pas abandonner l’hédonisme aux réactionnaires. En articulant critique sociale des violences et valorisation des plaisirs subversifs, elle pourrait, selon lui, redevenir désirable. Rappelons que Saint-Just, voulant résumer l’œuvre de la Révolution, proclamait : « Le bonheur est une idée neuve en Europe ! » Près de deux cent trente ans plus tard, le bonheur réapparaît au cœur du débat politique. Il était plus que temps !
Olivier StarquitQuartier rouge - Le plaisir et la gauche
Michaël Foessel
PUF, 2022