
Rage est un spectacle à l’esthétique punk, sanglant et jubilatoire mis en scène par Émilienne Flagothier, metteuse en scène dont on connaissait déjà We should be dancing, un spectacle de danse où des acteur·ices adultes reproduisaient des mouvements d’enfants de 2 à 5 ans. Sur scène, on voit défiler des bouts de réalité, des tableaux de la vie quotidienne et de la banalité du sexisme ordinaire : le patron qui t’appelle « ma belle », le mec qui appelle sa meuf pour avoir une liste de course, l’inconnu qui te siffle dans la rue, le mec qui t’explique la vie, les blagues misogynes au supermarché… Et puis c’est la phrase ou le geste de trop qui réveille la colère et déclenche une violence qui s’abat sur cet homme, confiant, n’imaginant pas une seule seconde devoir faire face à une contre-attaque. Quatre actrices jouent l’ensemble des rôles, chorégraphiant et sonorisant les combats. Autant de scènes de micro-agressions comme revues et corrigés par Valérie Solanas, intellectuelle féministe états-unienne qui expliquait dans Scum Manifesto pourquoi et comment il faudrait tuer tous les hommes. Comme le dirait la metteuse en scène, dans Rage, « on se lève et on tabasse ». Le temps long de la représentation nous permet de zoomer sur ces scènes quotidiennes, de les mettre en lumière et de sentir monter la colère en les regardant, ensemble. Riposte à la misogynie, Rage revendique une place pour la misandrie littéraire, une place qui fait du bien. La pièce permet d’œuvrer à aiguiser notre conscience de ce qu’on perçoit dans la vie quotidienne, de se réapproprier un droit à la violence, de prendre conscience de la puissance de la colère et de l’importance de la cultiver.
Marine DessardRage
Une pièce de Émilienne Flagothier
Mars - Mons arts de la scène / Théâtre National Wallonie-Bruxelles, 2023