
Les deux épisodes de la série The Division racontent la lutte d’une unité spéciale pour rétablir le pouvoir des autorités fédérales américaines sur New York et Washington après la diffusion d’une arme bactériologique qui y a fait s’effondrer l’organisation sociale. Si ces deux jeux d’action proposent un volet ludique très réussi et généreux en moments spectaculaires, il en va tout autrement de leur propos politique. Conçu autour de l’œuvre du romancier Tom Clancy, le monde post-catastrophe de The Division offre à voir des joueurs incarnant l’ordre face au chaos de gangs criminels. Ces derniers sont représentés comme des animaux carnassiers face à des moutons, des hordes déchaînées menaçant des innocents isolés et apathiques que seule la violence illimitée mais juste du pouvoir peut protéger. Loin des mouvements de solidarité observés au plus fort de la crise du Covid 19, l’effondrement laisse ici place à une sauvagerie posée comme inhérente à l’humanité dans la droite ligne de la philosophie conservatrice héritée de Thomas Hobbes. Le jeu pousse l’ignominie jusqu’à inverser le sens des oppressions en donnant à voir, parmi de nombreux autres exemples, des policiers torturés par des caricatures de militants dirigés par une femme noire similaire à celles qui initièrent et portèrent le mouvement Black Lives Matter. Le plus incroyable avec ces fantasmes réactionnaires se situe dans leur troublante anticipation de plusieurs évènements historiques : la pandémie de Covid 19, la victoire de Trump, et même l’assaut du Capitole ! Poussant jusqu’à l’absurde son univers, The Division ressemble à un jeu conçu par des macronistes pour amuser des fascistes et monétiser leurs fantasmes survivalistes. Quand le cynisme de certaines compagnies marchandise des imaginaires d’extrême-droite, il transforme celles-ci en soutien politique de telles idées.
Julien AnnartTom Clancy’s The Division 1 & 2
Massive Entertainment
Ubisoft 2016 et 2019