Le premier confinement derrière le dos, le monde éditorial n’a pas omis de surfer sur la vague et de publier de nombreux ouvrages sur le virus. Donatella Di Cesare, professeur de philosophie à La Sapienza Universita de Rome tire les leçons des méfaits du virus souverain, qui ignore les frontières et bouscule notre ordinaire façon de penser. Son premier constat est celui selon lequel nous vivons dans une liberté coercitive ou une libre coercition : couvre-feu et formes de travail rendues obligatoires (télétravail pour les uns, secteurs plus ou moins essentiels qui doivent continuer le travail pour les autres), recours aux pouvoirs spéciaux sont en effet des méthodes plutôt autoritaires. Pour elle, le virus vient également démontrer et exposer au grand jour les limites de la gouvernance politique propre au néolibéralisme : vivons-nous une crise sanitaire ou une crise induite par la quantophrénie propre au mode de fonctionnement néolibéral sous la férule des diktats de l’économie ? Le virus montre aussi sans fard le sort réservé aux surnuméraires : quelles mesures prévues pour les sans-abris, les abandonnés ? Quelles protections pour les travailleurs chargés de faire tourner malgré tout la machine et réduits à devenir de la chair à canon ? Au-delà de la sidération, les gouvernements ont vite choisi de se fonder sur la peur pour s’adresser à une communauté de citoyens de plus en plus désagrégée. Alors qu’il (re)devient évident que la santé, le climat, l’éducation, la culture et l’économie sont des biens communs qui exigent une nouvelle politique à l’échelle de la planète, le monde politique reste empêtré dans la gangue néolibérale et ressort les vieilles recettes comme un bon vieux gramophone.
Olivier StarquitUn virus souverain – L’asphyxie capitaliste
Donatella di Cesare
La Fabrique, 2020