
Certaines personnes ont des parcours atypiques. Elles deviennent avec le temps des sources d’inspiration et galvanisent les espoirs au sein des luttes. Par le chemin qu’ielles ont balisé, ielles se muent en héros ou héroïnes et intègrent le récit d’une communauté. Et en matière de luttes féministes pour l’émancipation et l’égalité entre les hommes et les femmes, nul doute que l’avocate et femme politique Gisèle Halimi y occupe une place prépondérante. C’est en tout cas ce que proposent de découvrir les autrices de cette BD tout au long de ces 137 pages qui retracent à coups de dessins et de rappels historiques le parcours pour le moins engagé de cette femme. Et pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. C’était un garçon qu’on espérait à sa naissance et elle a très vite compris qu’elle était prédestinée à servir son frère et son père. Il n’en fallait pas moins pour allumer en elle cette étincelle de l’injustice, qui ne perdra jamais de sa flamme. Dans cet ouvrage scénarisé par Sophie Couturier, dessiné par Sandrine Revel et mis en couleur par Myriam Lavialle, celle qui a autant défendu des militants indépendantistes tunisiens et algériens que des combats en faveur du droit à l’avortement et la répression du viol, y évoque les grands chapitres de sa vie. Car, faut-il le rappeler, « Une farouche liberté » est tout d’abord un livre biographique paru en 2020, co-écrit par Gisèle Halimi avec la journaliste Annick Cojean. Qu’il en soit une suite de mots ou, aujourd’hui, une suite de traits et de couleurs, la lecture de ce parcours de vie ne peut apporter qu’une bouffée d’air frais. Et d’espoir ! Car à l’heure où malheureusement plus rien ne semble impossible et où des acquis qu’on croyait immuables se mettent à vaciller, se replonger dans la vie d’Halimi permet également de raviver ce brasier intérieur, nécessaire à toute lutte. Comme elle le rappelait à la fin de sa vie, « je suis convaincue que notre expérience de l’injustice, de l’exclusion, de la souffrance nous a conféré une richesse supplémentaire. […] Mais je sais aussi que de ces valeurs d’opprimés — courage, endurance, résilience — peut jaillir une formidable créativité ». Et de la créativité, il en faudra une bonne dose pour affronter demain !
Pierre VangilbergenUne farouche liberté
Annick Cojean, Sophie Couturier, Sandrine Revel, Myriam Lavialle
Steinkis, 2022