Wednesdays

The Pixel Hunt et Pierre Corbinais

Long­temps tabou mal­gré son aspect mas­sif (on estime qu’une per­sonne sur dix en est ou a été vic­time en France), l’inceste, est de plus en plus pré­sent dans le débat public. On se rap­pelle du pod­cast Ou peut-être une nuit qui avait mon­tré toute l’étendue de la culture de l’inceste et sa nature sys­té­mique tan­dis que plu­sieurs livres de témoi­gnages à visage décou­vert ont per­mis de por­ter l’inceste dans la sphère média­tique et poli­tique. Le jeu vidéo Wed­nes­days s’inscrit dans cette plu­ra­li­té de dis­cours émer­geant et contri­bue à cette dyna­mique de libé­ra­tion de la parole en s’appuyant de manière très sub­tile sur les carac­té­ris­tiques de ce médium. Il le fait en évi­tant de nom­breux écueils puisque le fait d’aborder un sujet aus­si grave avec le média vidéo­lu­dique pou­vait paraitre à prio­ri ris­qué : l’interaction et la place du joueur posent en effet de mul­tiples ques­tions quant à la manière de repré­sen­ter l’inceste. Wed­nes­days choi­sit de racon­ter le par­cours en par­tie auto­bio­gra­phique d’un sur­vi­vant de l’inceste à tra­vers une série de situa­tions vécues. Situa­tions abor­dées dans le désordre chro­no­lo­gique, à la manière d’une mémoire qui décide quand un sou­ve­nir remonte. Ce que Wed­nes­days méta­pho­rise par un jeu dans le jeu où vous devez construite un parc d’attractions, chaque ins­tal­la­tion ouvrant l’accès à un épi­sode du pas­sé. Wed­nes­days est pro­duit par l’équipe qui avait déjà pro­po­sé Enterre-moi mon amour, un jeu lui aus­si nar­ra­tif sur le par­cours d’une migrante syrienne du point de vue de son par­te­naire res­té au pays qui tente de l’aider à dis­tance. Dans les deux jeux une même volon­té de faire sen­tir au grand public quelque chose de ces expé­riences extrêmes. Là où Enterre-moi mon amour consis­tait en des échanges de SMS, Wed­nes­days est construit comme une suite de cases de bandes des­si­nées inter­ac­tives. La sim­pli­ci­té de son game­play, des choix de dia­logues, en assure l’accessibilité tout en uti­li­sant de nom­breuses idées pour don­ner à com­prendre la com­plexi­té de la parole sur l’inceste. Entre le tabou social, les silences, la dif­fi­cul­té à mettre des mots, les situa­tions indi­vi­duelles dif­fé­rentes, Wed­nes­days montre le large spectre des his­toires per­son­nelles. Il le fait avec sen­si­bi­li­té et huma­ni­té, avec res­pect et pré­cau­tion qui se maté­ria­lisent par les nom­breux aver­tis­se­ments et pos­si­bi­li­tés d’éviter les situa­tions les plus dif­fi­ciles que repré­sente le jeu. Jeu qui réus­sit, à tra­vers ses images lumi­neuses et le sen­ti­ment d’espoir qui l’habite, à pro­po­ser une expé­rience tou­chante et néces­saire per­met­tant de visi­bi­li­ser un peu plus le phé­no­mène et de faire com­prendre au grand public un ensemble de ses consé­quences psychosociales.

Julien Annart

Wednesdays
The Pixel Hunt et Pierre Corbinais
Arte France, 2025

Info sur le site de l'éditeur ici 

Pour toute personne victime ou témoin d’inceste, la structure SOS Inceste offre un service d’écoute et d’accompagnement au 02/646.60.73.

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