
Longtemps tabou malgré son aspect massif (on estime qu’une personne sur dix en est ou a été victime en France), l’inceste, est de plus en plus présent dans le débat public. On se rappelle du podcast Ou peut-être une nuit qui avait montré toute l’étendue de la culture de l’inceste et sa nature systémique tandis que plusieurs livres de témoignages à visage découvert ont permis de porter l’inceste dans la sphère médiatique et politique. Le jeu vidéo Wednesdays s’inscrit dans cette pluralité de discours émergeant et contribue à cette dynamique de libération de la parole en s’appuyant de manière très subtile sur les caractéristiques de ce médium. Il le fait en évitant de nombreux écueils puisque le fait d’aborder un sujet aussi grave avec le média vidéoludique pouvait paraitre à priori risqué : l’interaction et la place du joueur posent en effet de multiples questions quant à la manière de représenter l’inceste. Wednesdays choisit de raconter le parcours en partie autobiographique d’un survivant de l’inceste à travers une série de situations vécues. Situations abordées dans le désordre chronologique, à la manière d’une mémoire qui décide quand un souvenir remonte. Ce que Wednesdays métaphorise par un jeu dans le jeu où vous devez construite un parc d’attractions, chaque installation ouvrant l’accès à un épisode du passé. Wednesdays est produit par l’équipe qui avait déjà proposé Enterre-moi mon amour, un jeu lui aussi narratif sur le parcours d’une migrante syrienne du point de vue de son partenaire resté au pays qui tente de l’aider à distance. Dans les deux jeux une même volonté de faire sentir au grand public quelque chose de ces expériences extrêmes. Là où Enterre-moi mon amour consistait en des échanges de SMS, Wednesdays est construit comme une suite de cases de bandes dessinées interactives. La simplicité de son gameplay, des choix de dialogues, en assure l’accessibilité tout en utilisant de nombreuses idées pour donner à comprendre la complexité de la parole sur l’inceste. Entre le tabou social, les silences, la difficulté à mettre des mots, les situations individuelles différentes, Wednesdays montre le large spectre des histoires personnelles. Il le fait avec sensibilité et humanité, avec respect et précaution qui se matérialisent par les nombreux avertissements et possibilités d’éviter les situations les plus difficiles que représente le jeu. Jeu qui réussit, à travers ses images lumineuses et le sentiment d’espoir qui l’habite, à proposer une expérience touchante et nécessaire permettant de visibiliser un peu plus le phénomène et de faire comprendre au grand public un ensemble de ses conséquences psychosociales.
Julien AnnartWednesdays
The Pixel Hunt et Pierre Corbinais
Arte France, 2025
Info sur le site de l'éditeur ici
Pour toute personne victime ou témoin d’inceste, la structure SOS Inceste offre un service d’écoute et d’accompagnement au 02/646.60.73.