
Wolfenstein II, ainsi que son prédécesseur Wolfenstein : New Order (sorti en 2014 chez le même éditeur), dépeignent une uchronie située durant des années 1960 où l’Allemagne nazie a remporté la Seconde Guerre mondiale. Derrière leur façade pop, leur rythme effréné et leur gore grand-guignolesque, ils cachent un propos très actuel à l’heure où les partis d’extrême-droite prennent partout le pouvoir. Ces deux épisodes s’inscrivent dans l’Histoire du média vidéoludique en proposant un reboot du célébrissime Wolfenstein 3D (id Software, 1992), premier succès du jeu de tir en vue subjective, qui influencera profondément l’industrie du jeu vidéo. Mais, à la différence de leur ancêtre, ils décrivent de manière détaillée le monde cauchemardesque où le nazisme aurait réalisé ses projets. Évocation des camps de concentration, de l’idéologie exterminatrice du nazisme, du mépris pour la vie humaine, … Dans les deux épisodes de Wolfenstein, le nazisme est décrit comme l’abomination qu’il est. Mais le tout est présenté dans une version pop du sujet, dans le cadre de jeux d’action divertissants remplis d’humour. En définitive plus proches d’Indiana Jones que de l’historien majeur du nazisme Ian Kershaw. On peut d’ailleurs regretter certaines maladresses liées à cette approche voire penser que la pop culture n’est pas la plus adaptée pour traiter ce sujet. Toutefois, l’approche des jeux Wolfenstein révèle peut-être sa pertinence au regard de sa réception par l’extrême-droite actuelle. Les suprémacistes blancs se sont en effet plaints de la violence de la représentation complaisante et sadique des meurtres des nazis dans le jeu. Ils y voient le manque de tolérance de la gauche, son incapacité à accepter une opinion divergente et même de la propagande pour Black Lives Matter ! Et cette tempête d’indignation en ligne reflète étonnamment le propos du jeu sur la manipulation par les nazis des logiques démocratiques. En définitive, un nazi reste un nazi et il n’y a pas à discuter avec mais à le combattre.
Julien AnnartWolfenstein 2 : New Colossus
Machine Games, 2017