- Agir par la culture - https://agirparlaculture.be -

Qui dit crack dit coke

Illustration : Théodora Jacobs

Suite à la mort par over­dose d’un de ses amis, la jour­na­liste et autrice Gol­ringue Huchet décide d’enquêter plus avant sur ce que la presse nomme « l’épidémie de crack » en Bel­gique pour com­prendre et faire com­prendre ce qui se joue autour du crack. Déran­gée par un récit média­tique du phé­no­mène qui a ten­dance à réduire la consom­ma­tion de ce pro­duit à une seule popu­la­tion mar­gi­na­li­sée vivant dans la rue, elle nous plonge dans l’univers du crack, ce qu’il sus­cite de repré­sen­ta­tions sociales et de poli­tiques publiques à côté de la plaque, sou­vent répres­sives. Et aveugles à la nou­velle socio­lo­gie du phé­no­mène et aux nou­veaux usages du produit.

Un jour d’hiver j’apprends que l’on peut se pro­cu­rer dans des points de deal à Bruxelles, du crack prêt-à-consom­mer. Il est ven­du entre 5 et 10 euros le caillou. Nul besoin donc de se pro­cu­rer de la cocaïne (50 € le gramme), de la cui­si­ner, de la dis­soudre, de la mélan­ger à du bicar­bo­nate de soude, d’attendre qu’une pâte solide et blanche se forme. Le caillou est désor­mais trans­for­mé, dis­po­nible, accessible.

Un jour de presque-prin­temps, j’apprends la mort d’un ami. À l’autre bout du télé­phone, j’entends « crack-over­dose-arrêt cardiaque ».

Un mois plus tard, j’ai ren­dez-vous avec Nadine Page, res­pon­sable de l’Unité de consul­ta­tion du Centre Médi­cal Enaden, spé­cia­li­sé dans l’aide psy­cho-médi­co-sociale de per­sonnes pré­sen­tant des dif­fi­cul­tés liées à la prise de drogues, d’al­cool, de médi­ca­ments ou d’autres addictions.

Avant de la ren­con­trer, je tape dans le moteur de recherche « crack presse belge ». Qui me dégueule les termes sui­vants : Bruxelles. Crack. Aug­men­ta­tion. Phé­no­mène. Fléau. Sans-abri. Péril grave. Zom­bie. Men­di­ci­té agres­sive. Toxi­co­mane. Police. Ver­ba­li­ser. Dan­ger. « Le crack, la drogue du pauvre qui se répand comme une trai­née de poudre dans la rue »

Dans un monde où l’information est constante, sans trêve, il m’a sem­blé qu’un lec­to­rat pres­sé ne pour­rait qu’imprimer ce récit pre­mier et immé­diat. Il ne s’agit pas de dire qu’il serait com­plè­te­ment erro­né. Il s’agit de dire qu’il appa­rait comme l’histoire unique, la seule pos­sible. Et j’ai pen­sé au texte de l’autrice belge, Ysa­line Pari­sis : « Nous avons des his­toires et de qui les raconte une vision man­quante. Nous avons besoin de nou­veaux récits, d’autres nar­ra­tions. Mais nous res­tons ces per­son­nages per­dus à l’orée d’une forêt, qui ne savent pas dans quel sens tenir le plan.»1

En tant que jour­na­liste de jus­tice sociale, deux aspects me dérangent. La stig­ma­ti­sa­tion du trai­te­ment média­tique d’une part. Ce serait une drogue spé­ci­fique (le crack, un déri­vé de la cocaïne) consom­mée par un public pré­cis (des per­sonnes en grande pré­ca­ri­té et/ou sans-abris) qui cau­se­rait une insé­cu­ri­té dans les rues de la capi­tale. Le crack ne serait-il vrai­ment que consom­mé par cette popu­la­tion-là ? La dis­pa­ri­tion sou­daine de mon ami, l’accessibilité du pro­duit, me disent autre chose : et si le crack était aus­si consom­mé dans d’autres milieux sociaux ? Et d’autre part, le fait d’en faire prin­ci­pa­le­ment un enjeu sécu­ri­taire alors que le phé­no­mène relève sur­tout de la san­té publique et de causes sociales contre les­quelles la répres­sion ne peut rien.

CEUX ET CELLES QUON NE VOIT PAS

En évo­quant le trai­te­ment média­tique du « phé­no­mène du crack comme drogue du pauvre » à Bruxelles, Nadine Page, sou­pire, exas­pé­rée : « Alors oui, actuel­le­ment tous les pro­jec­teurs sont bra­qués uni­que­ment sur le crack en rue, comme si il n’y avait que ça qui exis­tait ». Et d’ajouter : « mais bon nous ça fait 15 ans qu’on ren­contre énor­mé­ment de consom­ma­teurs de cocaïne et de crack qui ne sont pas à la rue. Ils sont dans des situa­tions ter­ribles d’endettement, de perte de bou­lot, de rup­ture grave avec leur famille. Des situa­tions dra­ma­tiques comme celles-là, nous les accueillons régu­liè­re­ment ». Si un pro­fil autre que gran­de­ment pré­ca­ri­sé existe donc, il est dif­fi­cile de quan­ti­fier les usagèr·es qui ne consom­me­raient que du crack, et ce, en rai­son de la poly­con­som­ma­tion des assué­tudes. J’apprendrai par contre qu’à l’unité de consul­ta­tion d’Enaden « la cocaïne est le pro­duit le plus consom­mé après l’alcool ».

En 2022, l’Ins­ti­tut de san­té publique Scien­sa­no, indique dans son rap­port sur la consom­ma­tion de drogues en Bel­gique que la consom­ma­tion de cocaïne a aug­men­té au cours des der­nières années, et que la consom­ma­tion de crack aug­mente prin­ci­pa­le­ment à Bruxelles. Par rap­port aux années pré­cé­dentes, ce déri­vé cris­tal­li­sé de la cocaïne, fumable et très toxique, est aus­si plus sou­vent men­tion­né par les per­sonnes en trai­te­ment pour un pro­blème de drogue.

Ne trou­vant pas d’informations dans les médias belges sur ce pro­fil de consom­ma­teur non pré­ca­ri­sé, je regarde du côté de nos voi­sins fran­çais. Or, une étude datée de 2018 de l’OFDT(Obser­va­toire fran­çais des drogues et toxi­co­ma­nies) signale un autre pro­fil de consommateur·trice de crack : celui de per­sonnes dites « insé­rées socia­le­ment » et sou­ligne que « les pro­fils des usa­gers se sont diver­si­fiés ». La rai­son ? « L’ex­ten­sion rapide de la consom­ma­tion de cocaïne basée donne une visi­bi­li­té nou­velle à un phé­no­mène qui, en réa­li­té, s’est dif­fu­sé à bas bruit chez les usa­gers de cocaïne depuis une quin­zaine d’an­nées ».

Veuillez noter le « de cocaïne basée ».

Je dépose ici une défi­ni­tion du crack qui explique bien : « sur­nom­mé le ‘’caillou’’ ou la ‘’roxanne’’, le crack résulte de la puri­fi­ca­tion du chlor­hy­drate de cocaïne au moyen d’éther éthy­lique, de bicar­bo­nate de soude ou plus géné­ra­le­ment d’ammoniaque afin d’obtenir une ‘’cocaïne basée’’ ou free-base sous forme de cris­taux. »2

C’est l’autre nom du crack. Parce que « cocaïne basée », ça passe mieux, non ? Coke et crack sont donc en fait deux appel­la­tions pour un même pro­duit avec un mode de consom­ma­tion différent.

Le rap­port de l’OFDT sou­ligne que cette évo­lu­tion s’ins­crit « dans un contexte de dis­po­ni­bi­li­té accrue ces der­nières années de la poudre blanche ». Un prix qui dimi­nue tou­jours plus et une pure­té qui ne cesse de s’élever. Le résul­tat ? Une diver­si­fi­ca­tion et une aug­men­ta­tion de tous les modes de consom­ma­tion du pro­duit : il n’est plus seule­ment snif­fé mais aus­si fumé « sous forme basé » (crack- caillou). Rap­pe­lez ici aus­si que l’inhalation de ce « déchet », de ce « dépôt de la cocaïne » entrai­ne­rait une addic­tion et une sen­sa­tion de « cra­ving » (l’envie d’en reprendre) plus puis­sante. L’OFDT met aus­si en avant la dif­fi­cul­té pour les pro­fes­sion­nels de san­té à repé­rer ces nou­veaux pro­fils : ils s’identifient avant tout comme des consom­ma­teurs de cocaïne. Ils ne men­tionnent pas le mot crack « très lié, dans les repré­sen­ta­tions à la figure de l’u­sa­ger pari­sien désocialisé ». 

À Bruxelles, Cédric Levaque, res­pon­sable de l’u­ni­té « Assué­tudes » au ser­vice de san­té men­tale du centre Cha­pelle-aux-Champs, constate qu’aujourd’hui « la cocaïne prend une grande place dans la socié­té parce que le prix est de moins en moins cher. Il y a mal­heu­reu­se­ment une bana­li­sa­tion de cette drogue. Elle est par exemple beau­coup plus pré­sente qu’auparavant sur le cam­pus uni­ver­si­taire. »

Alors que la consom­ma­tion de cocaïne semble s’être infil­trée dans toutes les strates de la socié­té, le crack reste, lui, asso­cié dans l’imaginaire col­lec­tif à une drogue pour les mar­gi­naux, pour les pré­caires et au désordre dans les espaces publics. La pre­mière huma­nise, la seconde déshu­ma­nise. Une his­toire vieille de qua­rante ans.

ALORS C’EST LA PANIQUE SUR LES BOULEVARDS (QUAND ON ARRIVE EN VILLE)

Entre 1984 et 1990 aux États-Unis se pro­duit ce que les médias ont nom­mé « l’épidémie du crack ». Son trai­te­ment média­tique a lar­ge­ment stig­ma­ti­sé une popu­la­tion afro-amé­ri­caine, pauvre, vivant dans les ghet­tos urbains et dési­gnée comme la nou­velle menace en ville par les auto­ri­tés. Quand le crack arrive en Europe dans les années 1990, cer­tains médias, par­ti­cu­liè­re­ment en France, per­pé­tuent cette image des consom­ma­teurs de crack comme le seul fait d’hommes jeunes pré­ca­ri­sés, des per­sonnes très mar­gi­na­li­sées. Au jour­nal télé­vi­sé du 20h les expres­sions de « scènes à ciel ouvert de drogues », de « toxi­co », de « zom­bie » se popu­la­risent. Dans les repor­tages se mul­ti­plient des images d’insécurités dans l’espace public, de dea­lers qui vendent à des « têtes à crack » (« crack­heads ») qui consomment en rue.

On est en 1993, j’ai 16 ans, je vis dans une loin­taine ban­lieue pari­sienne. Mais je me sou­viens sur­tout d’un dan­ger trans­mis par ma mère. Dans sa voix, la ter­reur, à chaque fois que je m’apprête à aller à Paris. Elle me répète droit dans les yeux : « si un camé veut te prendre ton appa­reil pho­to, ton porte-mon­naie ton sac à dos, tu lui donnes. Tu lui donnes tout. Tu ne résistes pas. ». Cette phrase elle l’énonce dans sa langue mater­nelle — le per­san — et non pas en fran­çais, un signal d’autant plus fort, de la gra­vi­té de la situation.

Ma mère a peur pour ma sécurité.

Trente ans plus tard à Bruxelles. Cer­tains médias mettent en avant l’enjeu sécu­ri­taire. Il y aurait une pré­sence gran­dis­sante de « toxi­cos » incon­trô­lables sous « crack ». On donne la parole aux com­mer­çants, aux habi­tants, aux citoyens. Ils ont peur. Ils ne se sentent pas en sécurité.

Il fau­drait évi­dem­ment mar­cher les yeux fer­més pour ne pas voir, pour ne pas voir ces hommes (majo­ri­tai­re­ment), ces femmes, ces jeunes et bien moins jeunes, dans les rues, faire la manche aux ter­rasses de café, leurs mains ten­dues pour une ptite pièce, une ciga­rette, un petit truc à man­ger. Cer­tains ont des visages famé­liques et des regards vitreux…

Ce qui me fait peur, c’est l’absence concrète de solu­tions pour ces per­sonnes qui sont errances. Des solu­tions sani­taires, des solu­tions de loge­ments et de prises en charge.

Dans les cafés de quar­tiers, les habitué·es les recon­naissent. 1 2, 3, 4, puis 5 défilent. En moins de deux heures. À la chaîne. Une réa­li­té tra­gique. Le gérant d’un café s’étonne : « y’en avait pas avant ».

Mais si, il y en avait avant. Ils étaient juste dans un autre quar­tier. Car ces per­sonnes pré­ca­ri­sées sans domi­ciles fixe, (sur)vivant dans des condi­tions extrêmes de rue, sont de façon cyclique « dépla­cées » d’un quar­tier à un autre par la police.

Ver­ba­li­ser — Endi­guer — Net­toyer — Dépla­cer — Réta­blir l’ordre — L’ordre public.

Ce qui me fait peur c’est la réponse appor­tée : le tout répres­sif. Des poli­ciers ver­ba­lisent des consomateur·trices de drogue au par­cours de vie écor­ché et dans le plus grand désarroi.

L’aspect sécu­ri­taire est-il la solu­tion la plus viable ? Appa­rem­ment oui pour les pou­voirs publics, en tout cas quand on découvre la répar­ti­tion des aides aux assué­tudes : 60 % pour le sec­teur répres­sif contre 1 % pour le sec­teur de l’enjeu sani­taire. La fameuse RDR, com­pre­nez « la réduc­tion des risques ».

Je suis allée à la ren­contre du 1 %.

DE L’IMPORTANCE DE LA RDR

Le Comp­toir de Char­le­roi et Tran­sit à Bruxelles font par­tie des struc­tures qui s’adressent à un public mar­gi­na­li­sé, en très grande pré­ca­ri­té et consom­ma­teur de drogues.

Elles ont en com­mun une stra­té­gie de san­té publique appe­lée « la réduc­tion des risques » en dis­tri­buant du maté­riel sté­rile (afin d’éviter la pro­pa­ga­tion du sida et autres virus), en dif­fu­sant des infor­ma­tions sur les risques et les modes de pré­ven­tion, en orga­ni­sant le dépis­tage des hépa­tites et du sida et en accom­pagnent les usager·es qui néces­sitent des exa­mens com­plé­men­taires et/ou des trai­te­ments. Elles ont pour fina­li­té l’amélioration aus­si de la qua­li­té de vie de ce public-là. Car oui, ils et elles sont des êtres humains comme vous et moi.

Au Comp­toir de Char­le­roi : une per­sonne sur deux est un homme, âgé entre 35 et 45 ans, dépen­dant du CPAS et sans loge­ment. Il y a 23 ans, l’asbl était un comp­toir d’échange de seringues : « il y avait une grosse demande au niveau de la consom­ma­tion par injec­tion d’héroïne prin­ci­pa­le­ment, mais aus­si de cocaïne, de speed, et médi­ca­ments psy­cho­tropes » explique Jofrey Milaire, coor­di­na­teur des lieux. « Il n’y avait pas de maté­riel pour la consom­ma­tion de crack puisqu’à Char­le­roi il n’y avait qu’une toute petite mino­ri­té qui en consom­mait et les épi­ciers ven­daient des pipes à crack ». C’est en 2020 que le Comp­toir a intro­duit les pipes à crack dans leur maté­riel car leurs béné­fi­ciaires étaient de plus en plus nom­breux à les ren­sei­gner qu’ils consom­maient du crack. Un phé­no­mène qui a pris un peu plus d’am­pleur en 2021 et en 2022. Il a éga­le­ment été observé dans les autres grandes villes du pays et de pays frontaliers.

Quand Jofrey Milaire a com­men­cé à tra­vailler au Comp­toir en 2010, il y avait 70 % d’injecteurs contre 30 % d’inhalateurs. « Depuis 2022, les chiffres se sont inver­sés. C’est 30% d’injecteurs contre 70 % d’inhalateurs ». Si le mode de consom­ma­tion a chan­gé, il est impos­sible d’avoir des chiffres sur les consommateur·trices exclu­si­ve­ment de crack. « 100 % des gens qui viennent ici sont poly­con­som­ma­teurs dont 75 % uti­lisent de la cocaïne ». De son expé­rience du quo­ti­dien, le coor­di­na­teur observe depuis peu un nou­veau public : plus jeune, 25 – 35 ans, « pré­caire oui mais pas for­cé­ment en rue », qui vient au Comp­toir uni­que­ment pour des pipes à crack. Selon lui « c’est dans l’air du temps et de ce que les dea­lers vont pro­po­ser ».

En 2022, Tran­sit ouvre une salle de consom­ma­tion à moindre risque (« Gate ») qui per­met d’améliorer la qua­li­té de vie des per­sonnes consom­ma­trices de drogues en situa­tion de pré­ca­ri­té, tout en paci­fiant l’espace public. « Notre rôle est d’aller à la ren­contre de ces publics dont 45 % sont en rue. Notre but est de leur redon­ner du lien social via l’hébergement tem­po­raire ou la salle de consom­ma­tion enca­drée. Il s’agit d’un trem­plin pour aller vers du soin, voire des cures de dés­in­toxi­ca­tion. Il ne s’agit pas d’encourager la consom­ma­tion mais de réduire les risques » explique Kris Meu­rant, direc­teur du pôle psy­cho-social. Quant au trai­te­ment média­tique de la consom­ma­tion de crack asso­ciée aux consommateur·trices en rue, le qua­ran­te­naire révèle qu’« ils ne repré­sentent en réa­li­té que 10 % des consom­ma­teurs ! Mais, parce qu’ils sont à la rue, qu’ils sont visibles dans des lieux publics, ils sont ceux que l’on voit ». Et donc ceux que les médias retiennent.

Depuis plu­sieurs années, Tran­sit alerte sur la muta­tion de la consom­ma­tion de drogue à Bruxelles. Si la consom­ma­tion d’héroïne dimi­nue, celles de drogues psy­cho­sti­mu­lantes de l’ordre de la cocaïne, dont le crack, sont en aug­men­ta­tion. Le gros déclen­cheur ? Selon Kris Meu­rant : la crise du coro­na­vi­rus. « C’est sur­tout la grande pré­ca­ri­té qui a explo­sé durant cette période sur laquelle est venue s’ajouter effec­ti­ve­ment une explo­sion de l’ar­ri­vage des drogues et de la consom­ma­tion du crack plus par­ti­cu­liè­re­ment ces der­nières années ».

Alors qu’en Europe, il existe plus de 90 salles de consom­ma­tions – cer­taines exis­tant même depuis plus de 30 ans- la Bel­gique n’en pos­sède que deux, une à Liège et une à Bruxelles. Même si une salle de consom­ma­tion « mobile » devrait voir le jour à Char­le­roi en 2025, cela reste peu en regard des conclu­sions de dif­fé­rents tra­vaux de recherche (comme ici ou ) qui montrent que ces dis­po­si­tifs per­met­taient l’amélioration des condi­tions de sécu­ri­té et d’hygiène, l’augmentation de recours aux ser­vices socio-sani­taires et la réduc­tion de consom­ma­tion de drogues dans les espaces publics ain­si qu’une réduc­tion des nuisances.

Notre pays est donc très en retard en matière de réduc­tion des risques et d’enjeux sani­taires, avec des pou­voirs publics qui ne semblent pas prendre la mesure et la néces­si­té de finan­cer beau­coup plus ce sec­teur ô com­bien vital. Ain­si, il me semble que la réponse répres­sive : atta­quer, dépla­cer, ver­ba­li­ser, empri­son­ner les consommateur·trices ne soit vrai­ment pas la solu­tion pour faire socié­té. La peur ne résout rien.

DANS LE PORT D’ANVERS

Après six mois de ren­contres, d’interviews et de recherches, mon explo­ra­tion de l’univers du crack s’achève à Anvers, la ville où le pro­duit afflue tran­quille­ment chaque jour.

Je suis arri­vée là-haut. Sur la ter­rasse du Het Steen. Une vue pano­ra­mique sur le port. Le port d’Anvers.

Je regarde les visi­teurs, leurs visages émer­veillés, les joues rou­gies par le vent, sou­rires aux lèvres. Ils sont épous­tou­flés par ce pay­sage à 360 degrés. Je ne leur en veux pas. J’ai le cœur ser­ré. Je les envie. De ne pas être dans ma tête.

Je pense à ton absence. « Anvers est la pre­mière porte d’entrée de la cocaïne en Europe ». Je pense à tes ami·es. « Des sai­sies records de cocaïnes inter­cep­tées ». Je pense à ta bien-aimée. « Seule­ment 10 % des conte­neurs sont véri­fiés par la douane ». Et de la neige et des cailloux conti­nue­ront à arro­ser les villes ici et là.

  1. Col­lec­tif, Com­ment regar­der plus loin : Onze ren­contres entre science et lit­té­ra­ture, L’Arbre De Diane, 2024 
  2. Alexandre Mar­chant, « Crack — L’arrivée du crack en France, entre fan­tasmes et réa­li­tés » in Swap N°70, 2013.