
On ne peut pas dire qu’on se soit ennuyé cette année : il nous a été donné d’assister à quelques concours mondiaux qui valaient leur pesant de cacahuètes. Évidemment tous n’ont été pas également couverts par les médias, le foot a été 20 fois plus évoqué que la COP 15 : y’a des priorités dans la vie !
Des gagnants et des perdants aussi.
Au Mondial de football, c’est évident, 31 pays ont perdu. Un seul a reçu les breloques en or — un paquet d’ailleurs : faut répartir entre tout le monde, joueurs, entraineurs, préparateurs physiques (une très jolie litote pour désigner la « médication » du bétail qui court après la baballe), etc. C’est la dure loi du sport. Évidemment il se trouvera toujours quelques âmes chagrines pour déplorer l’un ou l’autre accident de travail ou des bilans écologiques discutables et classer le tout parmi les grands perdants : ils ne comprennent rien. Le sport, c’est le sport. Point. C’est d’ailleurs ce que prouve de façon parfaitement éclatante ce que, après les manipulations (bien rémunérées) avérées au sein de la FIFA pour la désignation du « pays hôte », on nomme le « Qatargate », une corruption assez croquignolesque de divers parlementaires européens. Mais chut, ne nous immisçons pas dans une affaire en cours d’instruction : jusque là tout le monde est présumé innocent. Les coupables, eux, ceux de la Fifa, ont été bien punis. La preuve ? Le Mondial s’est tenu au Qatar.
Dans un genre tout à fait différent (quoique : c’est tout de même Coca Cola qui sponsorisait les deux raouts), on a aussi eu le championnat du monde du Climat – ça s’appelle une COP. Difficile cette fois de désigner un gagnant : ils ne distribuent même pas de médailles ! Mais on peut compter les victoires : un fonds sera destiné à compenser les dégâts climatiques déjà constatés dans les pays les plus vulnérables et qui n’ont que très peu contribué aux émissions de CO2. Bon évidemment, ça reste fort symbolique : il faut encore tout définir (contributeurs, cadre, montants, pays bénéficiaires…) mais ça finira bien par arriver.
D’aucuns, incurables râleurs, viendront évoquer la précédente enveloppe du même genre (100 milliards de dollars par an) qui n’a jamais vu le jour. D’autres, ou les mêmes d’ailleurs, vilipenderont les mécanismes de marché, dont on connait l’efficacité ou même, un comble !, s’en iront ironiser sur la pureté des intentions de philanthropes aussi désintéressés que Bill Gates. Pessimistes, va !
Autre victoire majeure : les lobbyistes (du secteur fossile) étaient 636, un record. Du coup, une bonne vingtaine de contrats gaziers internationaux ont été signés. Faut ce qui faut : le gaz russe venant à manquer, ben, on en trouve ailleurs.
Cerise sur le gâteau, parce qu’on ne va pas s’embêter avec ces détails, le texte final a supprimé toute référence aux droits humains, à ceux des peuples autochtones et du travail. Merci Sissi (pas l’Impératrice, l’autre, le Maréchal à la Légion d’honneur française). Pour le reste, faudra attendre un peu (c’est pas comme si on n’avait pas le temps, hein ?) : les engagements non contraignants de réduction des émissions nous conduisent pour le moment au-delà de 2,5 ° d’élévation de la température moyenne…
La troisième grande compétition de l’année, la 15e conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, s’est tenue au Canada, sous présidence chinoise. On peut crier victoire à nouveau, un « pacte de paix avec la nature », approuvé par les 196 parties, remplace les Accords d’Aichi (Japon) qui s’étaient du reste achevés en 2020, après 10 ans, sans qu’aucun des 20 objectifs n’ait été atteint. Mais cette fois-ci, c’est la bonne, promis juré. Les 17 objectifs sont ambitieux, réalistes et applicables, déclare le Ministère de l’Écologie français. C’est dire si on va y arriver. À quoi d’ailleurs ? À protéger 30 % de terres et 30 % des mers mais à l’échelle de la planète, ce qui exonère d’office certains pays de faire quoi ce soit pour autant que les autres se retroussent les manches : aucune contrainte n’est prévue (pas plus que pour les entreprises). Mais on connait l’esprit de responsabilité de tous et toutes. Et, pour l’instant, on ignorera les éternels grognons qui se préoccupent des 70 % restants « à protéger » ou des faibles montants alloués à l’affaire (20 à 30 milliards de dollars au lieu de la centaine réclamée par le Sud).
Alors que tant d’organisations se plaignent, nous sommes heureux d’avoir pu faire un bref bilan sérieux des coupes du monde de 2022 : on sent bien que tout va aller pour le mieux. D’ailleurs Manu, le p’tit président français dont le pays est signataire de tout ce qu’on veut, a montré l’exemple. Il est en personne venu soutenir l’équipe de France au Qatar. Dont coût, 501.000 € et 480 tonnes d’équivalent CO2, soit 53 années d’empreinte carbone moyenne pour un Français — si on considère un Cambodgien ça fait tout de suite plus de 500 ans, mais bon… : c’est‑y pas un vrai bon signal, ça ?