Le mouvement ROSA (Reageer tegen Onderdrukking, Seksisme en een Asociaal beleid soit Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) a été créé en mars 2017 par des jeunes membres néerlandophones du PSL (Parti Socialiste de Lutte) et d’EGA (Etudiants de Gauche Actifs). Il part du constat que, bien souvent, la recherche d’une solution au sexisme, à l’austérité et au système qui les entretient se faisait de manière isolée des autres combats. Y compris dans les organisations de gauche. Pourtant, cette lutte ne peut se mener séparément de celle plus générale contre l’ensemble du capitalisme.
Pour ROSA, l’ascension individuelle de femmes carriéristes et l’approche défendant des quotas en entreprise ou sur les listes électorales ne constituent pas des solutions s’appliquant à la majorité des femmes. Sans alternative au capitalisme, ces revendications ne répondent qu’à certaines conséquences du sexisme, mais ne s’attaquent pas à ses fondements. Il est donc essentiel de lutter contre la position de second rang occupée par la majorité des femmes dans cette société. Cela implique avant tout une lutte contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail, qui les empêchent d’obtenir une réelle indépendance économique. ROSA milite aussi pour une société qui prenne en charge collectivement les services et les soins à la personne (enfants, personnes âgées, malades…) aujourd’hui essentiellement portés par des femmes.
En fait, si différents acquis ont été obtenus sur le plan juridique ces dernières années (en Belgique, l’assouplissement de la loi sur le divorce, et la reconnaissance du viol intraconjugal, en Europe, la dépénalisation de l’avortement qui progresse fortement), les conditions sur le marché du travail, elles, se sont en revanche détériorées. Le travail à temps partiel et l’hyperflexibilité, qui touchent énormément de femmes, ne cesse d’augmenter. Or, l’égalité et l’émancipation ne peuvent se construire dans un désert social. Sans luttes massives et collectives pour revendiquer des conditions de vie et de travail décentes face aux politiques néolibérales, il n’y aura que des miettes à se partager.
Fait d’armes marquant, en 2020, les militantes de ROSA ont mené des actions contre le chirurgien esthétique Jeff Hoeyberghs, invité par l’extrême droite à l’Université de Gand. Elles ont rendu publics sur les réseaux sociaux les propos hautement misogynes de sa conférence et ont monté des manifestations de protestation. Cela a permis in fine de faire condamner Jeff Hoeyberghs à dix mois de prison (dont 5 fermes) et à une amende de 8000 euros pour incitation à la haine sexiste.
Le mouvement tente d’ancrer le lien entre socialisme et féminisme par différents moyens. Tout l’été 2022, ROSA a ainsi fait campagne sur des questions de sexisme, de LGBTQIA+phobie, de racisme et de luttes sociales dans les lieux où se retrouvent la jeunesse comme aux festivals de Dour, au Irie Vibes Roots, au Dranouter, au Théâtres Nomades, ou encore au Fiesta Latina. Un camp d’été a aussi été organisé au cours duquel une centaine d’ateliers ont permis aux participantes de mêler anticapitalisme et féminisme.
Les racines de ROSA
Des générations entières de femmes ont grandi dans le mythe du post-féminisme, affrontant péniblement la réalité sur le marché de l’emploi, dans la rue et dans leur famille. Le programme de ROSA s’attaque donc aux causes matérielles de l’oppression des femmes et qui veut mettre en place les bases sociales nécessaires pour venir à bout du sexisme.
ROSA s’inspire autant des Women’s March menées contre la politique de Trump aux États-Unis qu’aux grèves des Islandaises pour l’égalité salariale, celles des Polonaises contre les attaques portées au droit à l’avortement, ou encore de la grève générale historique des Espagnoles du 8 mars 2018. Il s’inscrit également dans la trace des vagues #MeToo ou encore des mouvements « Ni una Menos » sud-américains dénonçant les féminicides. Toute cette prise de conscience collective permet d’actionner des instruments qui renouent avec les traditions du mouvement féministe socialiste et apprennent des luttes du passé pour inspirer celles d’aujourd’hui. Désormais les mouvements pour défendre les droits des femmes s’organisent à travers le monde. Aujourd’hui, la stratégie de l’action collective fait son retour avec des millions de jeunes et de travailleuses·eurs qui se mettent en action contre le sexisme et pour la justice sociale. Des mobilisations massives et victorieuses qui montrent l’importance de continuer à apporter une réponse collective à un problème collectif.