Nous sommes au début de l’année 2015. Les Français et les Allemands tentaient déjà de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine. En Belgique, suite aux attentats perpétrés à Paris dans les locaux de Charlie Hebdo, l’OCAM relève le niveau d’alerte terroriste à 3 sur une échelle de 4. Et puis de l’autre côté de l’océan Atlantique, les Californiens de Stick to your Guns s’apprêtent à sortir « Disobedient », leur sixième album studio. En quatrième plage, un morceau dénote par rapport au reste de l’opus. RMA (Revolutionary Mental Attitude) ne dépasse pas la minute et demie, mais pourtant le message est clair : les mots ne servent à rien, il est temps d’agir.
« Nous sommes un groupe qui s’inspire des réalités sociales et politiques dans le monde. Beaucoup nous qualifient de gauche. Il y a en tout cas des choses auxquelles nous croyons et nous ressentons comme une obligation ou même une responsabilité de monter sur scène et de parler des choses qui sont vraies pour nous », explique Jesse Barnett, vocaliste du groupe. L’étiquetage musical d’un groupe est toujours un exercice hasardeux et sujet à controverse. Mais quoi qu’il est soit, Stick to you Guns puise notamment son inspiration dans le Hardcore-Punk. Un mouvement qui, à l’instar d’autres styles musicaux similaires, ne cache souvent pas ses opinions politiques. Parcouru par l’influence straight-edge1 – pas d’alcool, pas tabac, pas de drogues récréatives et qui s’entendrait même pour certain·es à ne pas s’engager dans la promiscuité sexuelle, à être végétarien ou végétalien et à ne pas consommer de caféine – il n’est pas rare de voir certains groupes issus de ce style à se prononcer politiquement. Et dans le cas de Stick to your Guns, à agir.
« Fuck the message, fuck its good intentions — A new attitude for a new generation — You can’t fight back if you won’t stand up — Being positive is no longer enough ». Le premier couplet du morceau RMA (Revolutionary Mental Attitude) est pour le moins explicite et invite à transformer les mots en actes. Ce que fait le groupe, en s’association régulièrement avec la Hardcore Help Foundation. Depuis 2011, cette association allemande vient en aide aux personnes défavorisées et marginalisées, avec quelques projets implantés en Europe et majoritairement en Afrique. Parmi ces derniers, il y a notamment le soutien financier d’une formation de futur·es professionnel·les de la santé dans le comté de Nakuru (Kenya), la récolte de fonds pour aider un village dans l’Est de la Turquie et dans certaines régions en Syrie2 ou encore la distributions de biens de premières nécessités à des personnes sans-abris à Dortmund et à Bochum. Pour ce faire, la Hardcore Help Foundation lance régulièrement des appels à dons. Elle est présente lors de festivals ou de concerts. Elle invite les groupes à leur léguer du merchandising, dont les bénéfices reviennent à l’association. Elle convie aussi ces groupes à composer des morceaux qui se retrouvent ensuite sur une compilation, vendue en ligne ou lors de shows.
Dans leur dernier album sorti en 2022, Spectre, Stick to your Guns y évoque la personnalité de Thomas Sankara, chef de l’État de la république de Haute-Volta, rebaptisée Burkina Faso, de 1983 à 1987. Jesse Barnett explique : « Le peuple en avait marre d’être colonisé. Thomas Sankara l’avait bien compris. Il a repris le pays, il a vacciné des millions de personnes, il a fait passer le taux d’alphabétisation de 11 % à 80 %, il a transformé un magasin de caserne militaire en premier supermarché. Il a amené plus de femmes à la tête de l’État que jamais auparavant. Pour moi, c’est quelqu’un qu’on peut citer en exemple. Et bien sûr, il a été tué quatre ans plus tard. Chaque fois que vous entendez quelqu’un parler de nationaliser les ressources de son pays, c’est qu’il est sur le point de mourir. J’essaie juste de conscientiser les gens, c’est tout ce que j’essaie de faire. Et il y a des millions de personnes dans le monde qui essaient de le faire aussi ».
Si un jour vous vous rendez dans un festival ou à un concert et que vous croisez un stand de la Hardcore Help Foundation, n’hésitez donc pas à prendre cinq minutes de votre temps et à discuter avec eux.elles.
- Fréquemment symbolisé par trois croix sur le dessus de la main, en référence à la croix qu’on dessinait sur la main des personnes mineures qui assistaient aux concerts et qui ne pouvaient accéder au bar en raison de leur âge.
- Suite aux tremblements de terre survenus le 6 février 2023 à proximité de la frontière entre la Syrie et la Turquie