Une politique du numérique « de gauche », luttant contre les inégalités sociales, la destruction des écosystèmes et évidemment contre la primauté des GAFAM est-elle possible ? Est-ce que ça pourrait se réaliser par exemple dans un soutien public massif aux outils et services dits « libres » ?
Je ne sais pas ce que serait une politique publique du numérique « libre, ouverte, juste, équitable, contributive et éthique » (pour tenter de la qualifier). Je ne sais pas non plus comment on la fait, concrètement. Je ne suis même pas sûr que ces qualificatifs soient suffisants pour changer quelque chose.
Le logiciel libre et l’accès ouvert ont changé l’économie de l’informatique, mais dans quel sens ? Hormis le rendre plus fluide, en quoi les logiciels libres et ouverts ont changé le monde ? Certes, qu’on ne s’y trompe pas : ils sont plus nécessaires que les logiciels propriétaires. Notre monde technique ne devrait pas — nulle part ! — pouvoir reposer sur des systèmes techniques dont le code et les données utilisées ne sont pas inspectables par d’autres (chercheurs, citoyens, autorités de contrôle…). Mais pour l’instant — et on peut fortement le regretter -, cela n’est hélas pas la règle !
La diffusion du logiciel libre et ouvert, n’a pas fait passer le monde de droite à gauche. Au contraire même. Aujourd’hui, le libre et l’ouvert sont adoptés par tout le monde et notamment par les services publics et les plus grandes entreprises, mais plus pour limiter leurs coûts de développements qu’autre chose. Je pense que cela montre que ces exigences, ces premières valeurs du réseau (la liberté et le partage) ne sont pas suffisantes, ne sont plus suffisantes pour conduire à un changement. Le logiciel libre est ainsi utilisé à la fois pour produire Wikipédia, mais également pour optimiser le tir de drones ou l’emprisonnement des migrants ! D’où les réflexions fortes, actuellement dans le monde du logiciel libre, autour de la question des licences à réciprocité c’est-à-dire, pour le dire vite, de produire des biens communs capables de discerner le bien commun et le favoriser.
Une politique publique du numérique de gauche donc… commencerait peut-être par reconnaitre que le projet numérique, malgré quelques espoirs pionniers, s’est révélé un projet profondément de droite ! Absolument pas « non politique » ou neutre, mais libertarien par idéologie, c’est-à-dire fondé sur la liberté individuelle au détriment des collectifs. Le projet numérique repose également sur une pratique de surveillance totale qui est intrinsèquement problématique, et qu’on ne parvient pas vraiment à réguler (nous sommes au contraire confrontés à l’allongement des durées et des modes de surveillance, alors qu’elles devraient être partout réduites). Enfin, le numérique, aujourd’hui, est un projet industriel et un projet industriel n’est pas de gauche : il vise à faire du profit, diminuer les coûts, et notamment les coûts sociaux, et invisibiliser les coûts environnementaux.
Appliqué à n’importe quelle politique publique, il a pour enjeu de produire une réponse industrielle via des produits et services numériques. Une école numérique produit des services numériques distribués à une échelle industrielle, à l’image de l’orientation automatisée que propose Parcoursup [Plateforme destinée à recueillir et gérer les vœux d’affectation des futurs étudiant·es de l’enseignement supérieur français NDLR]. Mais Pourcoursup a échoué à rendre acceptable la pénurie de place dans l’enseignement supérieur. Le tri social par la logique du classement qu’il opère produit surtout pour ceux qui en sont exclus, une expérience de déqualification à très grande échelle qui alimente toujours plus le ressentiment, la frustration d’une méritocratie qui tourne à vide quand elle exclut de plus en plus de personnes à trouver leur juste place dans la société. Les bases de données de surveillance des malades du Covid en France (Sidep, qui répertorie les personnes positives et contact covid, pour assurer le traçage de leurs contacts) produisent des services numériques de surveillance des malades dans des chaines de SMS et de mail, sans qu’ils ne rencontrent jamais de médecin. La caractéristique du numérique c’est de pouvoir rendre des services à l’échelle, « scalable » comme on dit (c’est-à-dire extensibles, capables de s’adapter aux changements d’ordres de grandeur), donc par nature « inhumains ».
Le numérique peut-il être de gauche ? Dans ce cadre-là, celui d’un projet libertarien, d’un projet industriel qui fonctionne sur le seul principe d’une surveillance toujours plus étendue pour produire des classements décorrélés des modes d’existences, qui sont les caractéristiques du programme majeur du numérique : la réponse est non !
Mais donc, si le projet numérique ne peut pas être de gauche, si le numérique n’est pas compatible avec la fabrique d’un monde moins polluant, plus égalitaire et plus démocratique… Est-ce que ça revient à dire qu’une lutte pour une vie moins numérique, sans numérique ou hors numérique deviendrait pour la gauche un combat préférable à celui de l’alternumérisme (qui imagine lui un autre numérique possible, régulable par les pouvoirs publics ou d’autres acteurs non-marchands) ? Est-ce qu’il faut dès lors imaginer plutôt une politique de gauche sociale et écologiste de confrontation avec la numérisation du monde ?
Le problème est qu’il n’y a pas un projet numérique, mais plusieurs. Il y a le projet majeur (que nous venons de décrire rapidement) et d’innombrables autres manières de faire du numérique (des projets alternatifs, oui). Les promesses d’un numérique plus juste, plus fraternel, plus responsable, plus équitable, plus éthique, plus inclusif, plus démocratique, plus frugal… existent, mais demeurent marginales, anecdotiques ou spécifiques (c’est-à-dire peu reproductibles). Il y a des projets numériques hors capitalisme numérique, oui, mais ils sont et demeurent mineurs et sous-financés.
Les promesses du numérique n’ont cessé d’être répétées à mesure que le projet industriel du numérique avançait, sans parvenir à l’orienter. C’est la thèse que soutiennent Julia Laïnae et Nicolas Alep dans Contre l’alternumérisme. La numérisation a renforcé le pouvoir des entreprises, la centralisation, la concentration. C’est également le constat de Shoshana Zuboff dans L’âge du capitalisme de surveillance. Les outils et processus induits par le numérique sont devenus le levier même du néolibéralisme, tant et si bien qu’on peut se demander si l’idée d’émancipation par la technologie n’est pas simplement un fantasme. On voit bien que « bricoler les technos », les pirater, les réapproprier ne modifie pas le projet global autrement qu’à la marge. Car comment lutte-t-on contre une base de données ? Comme le disent Laïnae et Alep : « Les technologies numériques ne sont pas réappropriables, car elles sont le fruit d’une société de masse, d’experts, constituée de rapports de domination et d’exploitation, d’infrastructures complexes et gigantesques dont les citoyens ne peuvent qu’être dépossédés : on ne mettra pas des centrales nucléaires en autogestion, de même qu’on n’impliquera pas les citoyens de manière « participative » dans l’exploitation d’une mine au Congo (…) Le logiciel libre n’est qu’une modalité de développement informatique et de licence de diffusion, il ne remet pas en cause la recherche d’efficacité, la rationalité instrumentale qui sont au fondement des technologies numériques ».
Pour le dire autrement, l’ouverture du code et des données ne sont pas le chainon manquant qui a permis de remettre les technos numériques au service des citoyens, ni la boussole morale qui transformera des technologies de droite en technologies de gauche. Le problème n’est pas le caractère privé ou public des données et des calculs, mais ce qu’ils produisent, c’est-à-dire la capture, la réduction du réel qu’ils imposent, le fait qu’ils deviennent alors traitables par un ordinateur, mais plus par un humain. Le risque est que nous passions plus de temps à combattre le numérique tel qu’il existe qu’à faire avancer une autre feuille de route pour le numérique. Pour moi, ces critiques induisent une question de fond sur les limites des systèmes techniques : jusqu’où les déployer ? Quels territoires préserver, pourquoi et comment ?… Pour l’instant, nous n’avons jamais vraiment réussi à limiter l’essor technique autrement que par des oppositions très locales et radicales ou morales (l’interdiction du clonage par exemple). Le problème est qu’il est presque plus facile d’empêcher la construction d’un site d’enfouissement des déchets que d’empêcher le fichage de tous les élèves d’un pays.
L’alternumérisme n’est qu’un réformisme qui n’a fait bouger aucune ligne. La critique à l’encontre de la vidéosurveillance et de la reconnaissance faciale est riche, documentée, extrêmement nourrie même par les rapports officiels… qui constatent leurs effets extrêmement réduits par rapport à leurs coûts… mais elle n’a rien fait reculer, au contraire. Cela montre que la critique ne suffit pas, comme le pointe très bien le livre de Laurent Mucchielli, Vous êtes filmés. L’informatisation du monde telle qu’elle se déroule ne nous mène pas au bon endroit, ne mène pas notre société vers plus d’équité et de justice. Donc oui, sur le fond, il serait temps que la gauche et l’écologie se confrontent à la numérisation problématique du monde !
Est-ce qu’il s’agirait alors de désindustrialiser nos vies numériques, déterminer ce qui peut rester numérisé, ce qui ne doit pas être numérisé et enfin ce qui devrait être dénumérisé ?
Oui ! Il me semble effectivement que nous devrions réfléchir profondément à ce qui ne doit pas être numérisé, à ce qui ne doit pas être transformé en chiffre, en calcul, en surveillance. Nous devrions définir des territoires où l’informatique ne devrait pas pénétrer. Reste qu’il est difficile de savoir lesquels et comment. Nous voyons bien que nous devrions toujours chercher à séparer les pouvoirs plutôt que les intriquer plus avant, or, par nature, le numérique facilite leur confusion. Le principe même de croisement de bases de données, d’accès distants, facilite des accès qui devraient rester étanches. La police, les préfectures, les services sociaux ou municipaux ne devraient pas avoir accès aux dossiers scolaires des enfants par exemple, mais c’est de moins en moins le cas. Dans son livre, Contrôler les assistés , le sociologue Vincent Dubois montre très bien comment les services publics échangent de plus en plus d’information pour mieux contrôler les allocataires. Et ce, au risque de créer des cascades d’exclusions discriminatoires dans des chaînes de services interconnectés où se propagent les décisions, comme l’a montré par exemple le scandale lié à l’automatisation des prestations sociales aux Pays-Bas qui a accusé quelque 26 000 familles de fraudes aux prestations… à tort. Le risque, c’est que ces croisements et cascades deviennent toujours plus attentatoires aux libertés et au principe de séparation des pouvoirs. Qui sait si demain, le fait d’être atteint d’une maladie nécessitant l’isolement ne désactivera pas automatiquement votre titre de transport ou votre compte bancaire ? Un scénario d’ailleurs déjà évoqué par un récent rapport du Sénat français. L’interconnexion des services, qui nous est vendue sous couvert d’efficacité et d’économie d’échelle, produit par nature des effets d’entrainements, des boucles de rétroaction inextricables pour ceux qui en sont les principales victimes, notamment les plus démunis.
Le numérique, par nature, est poreux. Il vise à faciliter l’accès, partout, tout le temps. Et face à cela nous ne savons ni mettre des garanties pérennes dans le temps, ni mettre des garde-fous valides. Par exemple, en France, la reconnaissance faciale par la police ne doit être utilisée qu’en cas de « nécessité absolue », dit la Loi. Dans la réalité, elle est utilisée plus de 1000 fois par jour et le plus souvent dans des contrôles d’identité très quotidiens, comme l’expliquait StreetPress. La proportionnalité que définit le judiciaire est une belle idée en théorie, mais comment l’appliquer concrètement ? Comment limiter les accès ? Et comment s’assurer, constitutionnellement, que ces limites demeurent respectées dans le temps et l’espace ? On peut apporter à ces constats des réponses légales (elles le sont déjà et on voit qu’elles ne fonctionnent pas et ce d’autant plus que son cadre ne cesse d’être modifié). Des réponses techniques (des limites d’accès au système par la police par exemple), mais elles sont trop contournables ou innombrables pour être suffisamment fortes. Des réponses économiques comme celle de limiter les budgets, comme le proposent les mouvements de définancement de la police, principalement actifs aux États-Unis, police dont les budgets techniques et d’équipements se sont envolés… mais pour l’instant, les économies sont souvent faites sur le personnel, très peu sur le matériel. Des réponses éthiques qui visent à évaluer et mesurer l’impact des systèmes… mais qui pour l’instant peinent à réorienter le cours des déploiements, car ils peinent à faire la démonstration de leurs conséquences sur des aspects qui leur échappent (la généralisation de la vidéosurveillance ne sait pas mesurer son impact sur les libertés publiques). Aucune pourtant n’est suffisante pour maitriser la boulimie de l’ogre numérique. La seule chose que nous n’avons pas beaucoup essayée, c’est l’interdiction, c’est-à-dire le refus de certaines technologies, leur bannissement de la société, comme nombre d’acteurs, chercheurs et activistes notamment, le réclament pour la reconnaissance faciale ou la reconnaissance des émotions.
En fait, il faut comprendre que cette logique industrielle et libérale du numérique actuelle n’est pas neutre, à nouveau. Nous déployons des systèmes qui traquent la fraude sociale des plus démuni·es, avec toujours plus de rigueur, mais pas de systèmes qui traquent l’évasion fiscale. En France, le contrôle fiscal aurait même reculé alors que le contrôle social lui s’est intensifié et depuis 2016, il y a plus de condamnations pour fraude sociale que pour fraude fiscale, alors que la fraude est estimée entre 1 à 10 milliards d’euros d’un côté contre au moins 100 milliards de l’autre. Pourquoi ne faisons-nous pas des systèmes qui aident les gens à réclamer les prestations sociales auxquelles ils ont droit plutôt que des systèmes qui surveillent au centime près les prestations qu’ils touchent ? Pourquoi ne développons-nous pas des mesures pour automatiser les aides plutôt que de constater le développement du non-recours — que le Secours catholique estime en moyenne à 30% ? Rappelons qu’en France, en 2010, 24% des personnes éligibles au Revenu de solidarité active [L’équivalent français du revenu d’intégration NDLR] ne le percevaient pas, chiffre qui a encore grimpé à 29% en 2020. En Belgique, une partie des aides sont automatisées… En France, les organismes sociaux n’ont pas d’objectifs contraignants de réduction du non-recours, alors qu’ils ont de plus en plus d’injonctions à améliorer le contrôle de la fraude !
Bref, on utilise désormais le marteau des données pour écraser la mouche des fraudes sociales ! Le problème de cette obsession à l’évaluation permanente c’est qu’elle repose bien plus sur des idéologies que sur de la science. C’est ce que montrent très simplement les journalistes Vincent Coquaz et Ismaël Halissat dans leur livre La nouvelle guerre des étoiles, qui pointent la très grande opacité des méthodes d’évaluation et surtout leur manque criant de scientificité. Dans cette transformation numérique au pas de course, le risque est que cette accélération des processus se fasse surtout avec des approximations et des préjugés au détriment de toute exactitude ou de toute objectivité. Derrière leur apparente neutralité et scientificité, les calculs ne le sont pas. Plus les chiffres sont nombreux, plus ils sont calculés et donc appréciés depuis des cascades de calculs, plus la précision qu’ils sont censés affiner devient problématique. Pour calculer les moyennes des élèves on additionne des notes de math et de sport, selon des appréciations différentes selon les filières auxquels ils appartiennent, selon des critères qui n’ont rien de commun, pourtant ces moyennes qui mélangent donc les torchons et les serviettes, produisent des résultats scolaires qui produisent des possibilités d’affectation ou non dans le supérieur… et déterminent des vies. Au final, ces calculs produisent des chiffres, des seuils, qui déclenchent ou non des réponses : en France, si vous avez deux enfants à charge, vous devez gagner moins de 1690 euros par mois pour prétendre à une bourse scolaire pour eux. Si vous gagnez 1700 euros, vous dépassez le seuil ! Mais tous les seuils ne sont pas toujours aussi clairement établis. L’appréciation de vie maritale pour définir si une personne peut recevoir une aide aux parents isolés dépend d’une appréciation qui se termine par une cache cochée dans un formulaire, primordiale pour le calcul de cette allocation, selon des critères qui n’ont cessé d’évoluer et qui ne tiennent pas au fait que la personne avec qui vous vivez contribue aux dépenses par exemple. À partir de quelle différence entre vos revenus déclarés et ceux calculés, une alerte et une réponse sont-elles déclenchées ? Cette différence est-elle ajustée au niveau de revenus et si c’est le cas, comment ? En fait, tout calcul pose des questions légitimes et très concrètes d’équité et de justice… Leur complexité et leur technicité ne devraient pas être le prétexte à leur opacité, au contraire !
À nouveau, ce que le numérique optimise, ce sont des gains de productivité. L’automatisation s’impose sous les coups d’un colonialisme comptable, d’une politique économique d’austérité, de rigueur, hostile à l’administration et aux citoyens. Telle qu’elle est pratiquée, elle érode les droits des administrés, elle ne produit pas la neutralité et l’impartialité attendues, parce qu’elle est avant tout mise en place pour réduire le nombre de bénéficiaires depuis des méthodes de calcul qui n’ont pas toujours l’objectivité scientifique qu’on devrait attendre d’elles, qui fonctionnent souvent à partir d’informations erronées, inexactes et incomplètes… trop souvent indifférentes aux préjudices causés à ceux qui ont été faussement calculés.
Les systèmes techniques ne sont pas neutres. Le capitalisme et le néolibéralisme les ont investis pour y développer leurs logiques. Nous sommes cernés par des systèmes néolibéraux augmentés par le numérique et les systèmes numériques de gauche sont inexistants. Le piège néolibéral se referme sur nous avec le numérique. Donc non seulement il faut réfléchir à ce qui ne doit pas être numérisé, mais également à dénumériser, voire à imaginer un autre numérique, au service de l’aide plutôt qu’au service de la contrainte. La question du comment est aujourd’hui une friche… Alors que nous avons besoin plus que jamais de boussoles pour nous orienter.
Dans ce cadre, ne peut-on pas néanmoins souhaiter qu’un gouvernement (qu’on imagine pour l’exercice très progressiste !) propose un ensemble de lois et règles exigeantes, voire radicales, qui compliquent le déploiement de ce projet numérique néolibéral ? Qu’il force par la loi ce secteur à être moins destructeur environnementalement et socialement ? En obligeant aux choix technologiques les moins consommateurs d’énergie ou émetteur de gaz à effet de serre possible, en portant la garantie des appareils à 10 ans, etc. Et en construisant un cadre protecteur du travail – salaires, conditions – dans l’économie numérique, en soumettant les plateformes à des procédures d’agréments, en employant des fiscalités agressives, en privilégiant par contre des coopératives à finalité sociale et associations… Est-ce que cette intervention publique ne participerait pas de cette limitation du numérique dans nos vies et de ses nuisances ? Et partant, à ralentir le rythme d’adoption des innovations afin de les rendre appropriables et traitables dans le temps plus lent du débat démocratique et des mouvements sociaux ?
Oui. Les enjeux autour des questions de justice sociale et environnementale sont effectivement des boussoles, mais elles ne sont pas vraiment à l’agenda de nos économies néolibérales. Le néolibéralisme oriente les transformations politiques dans un sens rigoriste et le numérique est à son service. Comme tu le dis, il faudrait une orientation très progressiste pour changer les orientations actuelles. Nous en sommes très très très loin. Les questions environnementales ne sont pas prises au sérieux et les questions sociales sont détricotées en profondeur. Sans ces orientations, on ne peut pas produire de cadre pour mettre au pas le secteur technologique. Ralentir, risque donc de ne pas suffire !
Deux choses pour répondre. D’abord c’est compliqué. Ce n’est pas si simple de mesurer quelque chose, même quand tout semble mesurable, même quand toutes les données et les chiffres sont accessibles ! Qu’est-ce qu’on évalue ? Comment fait-on le calcul ? Que produit un calcul différent et comment comparer les résultats de ces deux calculs entre eux, depuis quels autres critères qu’une « efficacité » comptable ou économique ? En fait trop souvent, derrière le critère d’efficacité, on ne parle que de réduction du coût. Mais l’efficacité d’un service d’aide sociale devrait plutôt reposer sur sa générosité et le nombre d’allocataires qu’il touche, pas sur les trop-perçus qu’il récupère.
Nous entrons dans une forme d’hystérisation du calcul, un véritable délire calculatoire où la complexité — au détriment de l’explicabilité, de la simplicité, de la transparence et surtout de l’équité ! — les rend incompréhensibles au commun des mortels. C’est ce que propose finalement le projet de l’Intelligence artificielle : rendre les calculs incompréhensibles aux humains. Qu’importe s’il se révèle profondément raciste, discriminant, biaisé, normatif… et profondément conservateur, car il s’enracine dans les données du passé pour construire sa chape de plomb, quand nous avons tant besoin de réinterpréter le passé pour changer l’avenir ! Derrière ce délire calculatoire le risque bien sûr c’est que les critères pris en compte finissent par noyer les objectifs mêmes du calcul, c’est-à-dire qu’on calcule pour calculer sans plus savoir à quoi cela se rapporte et en oubliant sa responsabilité… C’est le cas par exemple de systèmes pour trier les lycéens où l’on envisage d’innombrables modes de calcul pour affiner et rendre le tri opéré toujours plus juste (comparer l’écart à la moyenne d’un élève à celle de sa classe pour ajuster sa moyenne issue de ses notes afin de mieux refléter son niveau). Le risque ici, c’est que cette poursuite d’une justice calculatoire n’en produise aucune. L’autre risque bien sûr est que le combat politique se technicise toujours plus avant, oubliant toutes autres approches tout en s’éloignant toujours plus des préoccupations des gens. Et surtout que les réformes et évolutions de la politique, demain, ne consistent plus qu’à réformer et changer les modalités de calculs… Ici, les exemples sont innombrables bien sûr… La récente réforme de l’aide au logement en France, par exemple, que 41% des bénéficiaires ont vu leur allocation baisser, que le montant moyen a baissé de 7% et que la part des allocataires est passée de 53% à 48% en un an ! Autre exemple encore, nul n’a su produire de preuves d’efficacité des applications numériques de traçage des cas contacts en Europe, notamment parce que malgré le fait que tout y soit mesurable, on ne sait pas ce que serait l’indicateur fiable de leur efficacité ! Au final, le délire calculatoire risque de produire une complexité parfaitement déroutante, ne reposant plus sur une compréhension commune et accessible à tous — c’est-à-dire ne reposant plus sur une possibilité de faire société ! -, au prétexte même qu’il produit une meilleure équité, sans qu’elle soit démontrée ! Le risque est que nous nous retrouvions face à un double échec nous empêchant de produire un monde commun : des explications qui n’apportent aucune réponse, car parcellaires ou dénuées d’utilités et une transparence incompréhensible, car toujours plus complexe depuis une réalité calculatoire toujours changeante, « révocable » d’un instant à l’autre sous le coup de la modification du calcul, comme s’en inquiète le philosophe Achille Mbembe dans son brûlant Brutalisme. Cette inquiétude très légitime est effectivement explosive. Avec le calcul, ses modalités deviennent plus changeantes. Alors que l’année était la période de référence du calcul des droits et allocations, les voilà devenus plus dynamiques au détriment des administrés. Les périodes prises en compte pour le calcul des droits, leur mise à jour, ont tendance, avec la généralisation du Big data, à rendre les allocations et prestations toujours plus volatiles. Elle les rend également toujours plus globales, faisant fi de toutes disparités. Recalculer l’Aide au logement tous les trois mois fait peser une incertitude partout, quand ceux qui sont dans cette nécessité, celle de recevoir 150 ou 200 euros d’aide pour se loger chaque mois, ont surtout besoin de perspectives à long terme. Nous risquons de construire un monde inhumain, un mur de traitements sans fin, en temps réel, quand les usagers veulent avant tout un dialogue. Pour limiter ces possibilités, on devrait faire en sorte que les calculs ne puissent être dynamiques, réajustables en permanence… que les droits ouverts ne puissent pas être calculés autrement qu’annuellement par exemple, depuis des périodes prises en comptes les plus avantageuses aux bénéficiaires que le contraire. En tant que société, nous devons donner des règles aux calculs, des perspectives aux usagers et aux citoyens.
Quant au cadre protecteur du travail, il devrait être la règle effectivement. Pourtant les livreurs à vélo sont toujours des indépendants, alors qu’études et condamnations de justice se rappellent sans cesse aux plateformes. En fait, les gouvernements favorisent les plateformes parce que justement, le numérique permet de détricoter le salariat, comme le dit très bien la sociologue Dominique Méda. Le numérique demeure orienté par le politique et sa logique libérale. Tant que nous persisterons dans cette logique, il y a des chances que rien ne change et que tout s’aggrave. Dans le domaine du travail, le problème est que les systèmes automatisés se déploient partout : systèmes de planification d’horaires, systèmes de projection de résultats et de ventes, systèmes de surveillance des activités des salariés… Le problème de ce « bossware », ce matériel des patrons, c’est que lui aussi produit une surveillance de chaque instant, une capture de données sans consentement, et un traitement de leur activité à leur insu depuis des critères qui ne sont pas ouverts à la négociation collective et souvent, quand on les inspecte, produisent des calculs depuis des critères fantaisistes et des métriques ésotériques, souvent très éloignés des réalités de travail de chacun. Non seulement l’enjeu consiste à réduire ce délire d’innovation qui ne propose aucun progrès, mais plus encore, comme l’explique très bien la syndicaliste britannique Christina Colclough, de réduire le fossé de pouvoir entre entreprises et employés. Elle milite pour une « algovernance », une cogouvernance des systèmes entre syndicats et direction pour favoriser la minimisation des données et la validation des calculs. « Aucun employeur ne peut évaluer l’équité unilatéralement – ce qui est juste pour l’employeur n’est pas nécessairement juste pour les travailleurs », rappelle-t-elle avec beaucoup de bon sens !
La socialisation des réseaux (nationalisation ou municipalisation des fibres optiques, pourquoi pas des antennes de téléphonie portable, l’établissement d’un ou de fournisseurs d’accès publics) permettrait-elle d’avoir certains leviers ? D’assurer d’une part un accès égalitaire au réseau (tarifs sociaux), une couverture de l’ensemble du territoire, de garantir la neutralité du net mais aussi de pouvoir établir rapport de force avec les mégacompagnies du numérique ?
Il me semble effectivement que la piste de la nationalisation est aujourd’hui une piste totalement délaissée. Transformer certains réseaux et services en biens publics, « en Communs », est une piste qui n’est pas ou peu activée. Dans le néolibéralisme dans lequel on baigne, ce n’est pas très surprenant hélas. Pourtant, c’est un levier fort que les États ont souvent utilisé pour générer de la neutralité, de la justice, de l’équité, de la diversité… comme quand ils ont créé des médias de services publics ou des infrastructures publiques comme l’ont été Radio-France, la Poste, le réseau ferré ou électrique, ou les Télécoms. Nous ne sommes pas dans ces perspectives ni dans ces logiques aujourd’hui.
Les États peinent à répondre aux logiques des acteurs privés, à les réguler, à limiter leurs monopoles… au contraire, ils s’appuient sur eux pour leurs déléguer des fonctions de plus en plus régaliennes dans des partenariats publics-privés qui servent à privatiser les bénéfices et socialiser les pertes. Les infrastructures de traitements, de collecte de données, d’hébergement sont de plus en plus confiées à des acteurs privés. Le soutien public est uniquement orienté vers de l’accompagnement aux jeunes pousses, startups et autres licornes — au détriment de tout soutien à des initiatives non marchandes ou alternatives. Ce qui favorise la construction de monopoles toujours plus puissants… et ce au détriment de toute réflexion sur ce que pourraient être une infrastructure publique numérique ou des services publics numériques. Pourtant, quelques-uns des plus populaires et importants services de l’internet proviennent d’associations et refusent d’être des entreprises, comme Wikipédia, Open Street Map ou Signal… C’est également le cas de propositions plus modestes, comme le logiciel CoopCycle qui produit un logiciel coopératif pour les plateformes de livraison à vélo alternatives. Le fait que ces services ne soient pas des entreprises n’est pas anodin et explique certainement qu’elles ne relèvent pas du modèle de capitalisme de surveillance. Comme le soulignait le chercheur Ethan Zuckerman, « Le fait que Wikipédia soit capable de survivre sans soutien gouvernemental ni redevance n’est pas un argument contre le soutien public aux médias – c’est plutôt une invitation ouverte à se demander quels autres services nous pourrions construire si nous innovions plus souvent en dehors de la logique des marchés ». L’enjeu ici est non seulement d’inventer de nouvelles formes, mais plus encore de rediriger les financements vers des modèles économiques alternatifs. Vu l’état de déréliction du monde associatif, nous avons certainement bien plus reculé qu’avancé sur ces questions depuis 20 ans !
Est-ce que revendiquer une large extension et promotion du « droit à la déconnexion » (au-delà de la seule question du travail) est une piste intéressante pour le mouvement social ? Sachant qu’il faut évidemment l’accompagner de mécanismes sociaux visant à assurer une égalité dans la possibilité de déconnecter, trop souvent réservée dans les faits aux classes les plus aisées par rapport aux classes populaires. Au-delà, peut-on développer et favoriser une frugalité numérique dans un monde où la surconsommation et la dépendance numérique ont été progressivement instaurées ?
C’est très bien un droit à la déconnexion, mais pour qu’il existe, encore faudrait-il effectivement qu’il y ait un droit à la connexion des plus démunis (tarifs sociaux et fournisseurs d’accès publics) et surtout des possibilités de déconnexion dans un monde où désormais toute activité est numérique. Le problème me semble plutôt tenir au fait que tout doive passer par le numérique désormais. J’ai quand même un peu l’impression que le droit à la déconnexion prend le problème à l’envers ! On recommande moins de temps d’écran, mais tout passe désormais par eux ! Du permis de conduire à nos consultations médicales, des cours au travail, de nos amitiés à nos distractions, des cours de yoga aux demandes d’accès aux services publics, en passant par les courses en ligne et l’accès aux musées ou aux cinémas ! La montée de la panique morale du temps passé sur les écrans n’est que le reflet de l’importance que les écrans prennent désormais dans nos vies. Le droit à la déconnexion ne vise qu’à culpabiliser les usagers pour mieux déculpabiliser les producteurs de services numériques et les économies d’échelles qu’ils permettent. La numérisation du passage du Code de la route est désormais aboutie par exemple. Sa nécessité était claire : faire baisser le prix du permis de conduire ! Produire autant ou plus pour moins cher, c’est l’enjeu du numérique allié au capitalisme. Cette logique est partout et la crise sanitaire que nous avons connue ne va faire que renforcer cette logique économique en lui adjoignant une nécessité morale.
La question me semble plutôt de savoir quelles activités seront capables de résister à ces logiques de compression de leurs coûts ? Le risque, c’est que la réponse soit : aucune ! Un cours de yoga en ligne c’est moins cher qu’un vrai cours de yoga, pour lequel il faut une salle dédiée, tout en permettant d’accueillir plus de monde. Une application bancaire, c’est moins cher que des milliers de conseillers et de locaux. Une carte de transport dématérialisée c’est moins cher que d’entretenir des centaines de comptoirs d’achats… Six caisses automatiques qu’une caissière… À ne regarder que les coûts, la dématérialisation l’emporte toujours. Après cela, on peut courir derrière un droit à la déconnexion…
Le problème de la sobriété et de la frugalité, c’est qu’on la demande toujours aux usagers, jamais aux producteurs ! Le pire serait de reproduire ici ce qu’il se passe avec le développement durable, en demandant aux gens de faire des efforts, alors que les producteurs n’en font aucun, au contraire. La justice et les contraintes doivent être les mêmes pour tous ! Ce constat reste l’une des plus puissantes boussoles collectives qui soient. Pourtant, de ce côté là aussi, il y a de quoi être inquiet. Dans les inégalités que la crise sanitaire a exacerbées, les écrans vont prendre une place nouvelle. Jusqu’à présent, ne pas accéder au numérique ne vous fermait que le monde numérique. Désormais, c’est l’accès même aux services urbains qui se referment. Dans la ville de la souscription, l’accès physique à la ville nécessite un accès électronique. Le numérique est en train de devenir le péage d’accès à la ville, que ce soit pour contrôler votre état de santé via un passe sanitaire, votre autorisation à circuler, votre identité, ou l’allocation de ressources disponibles… Les multiples formes du QR-code risquent de refermer l’accès libre et ouvert au monde réel. Dans cette ville de l’enregistrement, nos accès risquent de devenir dynamiques, suivant des niveaux de priorités différents liés à nos possibilités d’accès au numérique. Désormais, le monde physique est prêt pour être régi par un ensemble technique, juridique et commercial qui va gérer les accès, selon des modalités discriminatoires et opaques. C’est bien plus inquiétant que le temps que nous passons devant nos écrans !
Est-ce que se battre pour que soit à tout prix conservée une alternative non-numérique et humaine pour un large panel de services d’intérêts généraux est un terrain de lutte pertinent ? Faut-il revendiquer des guichetier·es dans les gares, les administrations, les banques, les postes et en finir avec les distributeurs, automates ou écrans en self service ?
Si nous nous battons uniquement pour qu’il subsiste des alternatives non numériques, le risque est qu’on leur réserve la portion congrue, comme c’est de plus en plus le cas actuellement. Combien de péages ont encore des cabines avec des vendeurs à l’intérieur ? Combien de grandes surfaces des caissières ? Combien de guichets sont encore ouverts ? On pourrait peut-être prendre ce problème dans l’autre sens et définir le nombre de guichetiers dont la population a besoin, comme on définit le nombre de médecins nécessaires.
Transformer une fiche d’information en base de données n’est pas un acte anodin. Nous avons l’impression que ce n’est qu’un changement de support, alors que c’est profondément un changement de nature. Rendre les dossiers interopérables, pouvoir les trier massivement, faire des rapprochements, des calculs… modifie profondément le rapport à ces informations en les rendant productives justement, mais en oubliant ce qu’elles recouvrent vraiment, à savoir des gens. En permettant de « mieux » (et il faudrait discuter de ce « mieux ») gérer les pauvres, de mieux calculer leurs allocations, de mieux classer les étudiants selon leur « mérite », leurs notes, le risque est que nous n’ayons plus à l’avenir besoin d’éradiquer la pauvreté ou les inégalités. Il suffira de les gérer avec le moins de ressources possibles calculées par les machines.
L’enjeu à venir à nouveau consiste à faire des choix de société sur ce que nous devons numériser, ce que nous devons dénumériser et comment. Mais la réponse à ces questions n’est pas numérique, mais bien politique : Comment étendre les protections sociales et environnementales ? Que devons-nous définancer ? Que devons-nous refuser de moderniser ? Où devons-nous désinnover ? Si on regarde le monde numérique à l’aune de sa durabilité, ce monde n’est pas soutenable. Si on le regarde à l’aune de ses enjeux démocratiques ou sociaux, le numérique ne produit pas un monde en commun. Il va donc falloir refermer des possibles que le numérique a ouverts. La surveillance, et la fausse efficacité qu’elle promet, ne proposent que du contrôle, de la répression, des discriminations, de la sécurité au détriment de la liberté, de l’équité, de l’égalité. On ne fait pas société seulement en calculant son efficacité maximale ! Les outils qui servent le capital ne peuvent pas être utilisés pour transformer l’école, l’hôpital ou la ville, comme concluait la spécialiste de l’Intelligence artificielle Kate Crawford dans son excellent livre Atlas of AI : Power, Politics, and the Planetary Costs of Artificial Intelligence. La poursuite des gains de productivité ne nous réorientera nulle part !
Nous devons encadrer les modalités de développement de notre monde numérique depuis des règles simples et claires, allant de l’explicabilité des décisions au refus de l’hystérisation des calculs. Le calcul doit produire une société plus apaisée et plus juste, pas une société plus contrôlée et moins chère. La calculabilité des droits en temps réel tout comme les algorithmes d’affectation des élèves qui ne prennent pas en compte l’ordonnancement de leurs vœux d’orientation ou les logiciels de planification d’horaires des employés en flux tendu… ne vont pas dans ce sens. Le numérique ne va pas dans ce sens et sans contraintes, nous ne changerons rien. Mais répétons-le à nouveau : ces contraintes doivent pleinement redéfinir le rôle et les enjeux des services publics comme privés au service de tous. Elles doivent définir leurs obligations, limiter leurs marges de manœuvre, réaffirmer leurs missions, développer les garanties à l’égard des justiciables pas les réduire, minimiser les données et les calculs et élargir les droits, pas les rogner ! Et pour cela, nous avons besoin de revenir au progrès social et d’abandonner ces innovations de surface qui ne nous mènent nulle part ! Et cela aucun programme d’extrême droite, de droite, du centre ou sociale-démocrate ne le fera advenir. Pour cela il nous faut un programme politique de gauche, capable de réorienter le numérique dans une autre direction, en lui donnant des objectifs qui ne soient pas ceux de la rigueur, mais bien ceux de la justice sociale.
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Un commentaire
Bonjour,
Je n’ai pas tout lu mais je peux déjà vous dire que l’interviewé fait une erreur fondamentale sur la définition même de Logiciel Libre.
Il confond logiciel libre et logiciel open-source.
Tout le monde fait des logiciels open-source, GAFAM compris, mais aucun d’eux fait du logiciel libre !
Le libre repose sur une communauté, c’est un mouvement social, ce justement pourquoi il est de gauche !