Quel avenir pour la sidérurgie wallonne ?
Aux mains de groupes internationaux, la sidérurgie wallonne semble à la croisée des chemins. Quelles sont les pistes pour son avenir ?
L’international et le « sur mesure »
Une voie possible pour la sidérurgie wallonne reste l’intégration dans de grands groupes internationaux pour en constituer un des maillons. Ainsi, malgré la conjoncture économique et la concurrence internationale, les phases à chaud de Clabecq (Ittre) et de La Louvière sont entrées dans le giron du groupe russe Novolipetsk et continuent de produire de l’acier. Certains produits spécifiques, réalisés « sur mesure » et ne nécessitant pas une grosse production, nourrissent également de belles perspectives. De leurs côtés, les aciéries électriques semblent avoir un bel avenir, notamment via le recyclage.
La réappropriation régionale
La réappropriation régionale d’une partie de la sidérurgie permettrait à celle-ci de sortir des griffes des multinationales et pourrait garantir l’indépendance et le maintien de l’activité. En 2012, réagissant à la fermeture de la phase à chaud liégeoise, les syndicats métallurgistes liégeois présentent un plan visant à la réappropriation de l’ensemble des outils de la sidérurgie liégeoise et au maintien de la sidérurgie intégrée, c’est-à-dire de la phase à chaud et de la phase à froid.
Recherche et Développement
La sidérurgie wallonne doit renforcer davantage encore la Recherche et Développement, dans la phase à froid, mais aussi dans le cadre d’un renforcement d’une sidérurgie intégrée sur le site de Liège. Face à une concurrence internationale qui pratique des tarifs plus bas et augmente sans cesse la qualité de sa production, la phase à froid wallonne doit garder une longueur d’avance en proposant des matériaux innovants à haute valeur technologique. De plus, les technologies de pointe, connectées aux technologies et aux savoir-faire plus anciens, augmentent la maîtrise des travailleurs et rendent la production moins facilement délocalisable.
Friches industrielles et reconversion des sites
Pour les sites sidérurgiques ayant cessé toute activité, il convient d’éviter l’impasse de la friche et de s’orienter vers la réhabilitation de ceux-ci. Celle-ci peut prendre deux formes : l’assainissement du site pour lui donner une nouvelle affectation ou la sauvegarde de ce patrimoine en lui donnant une vocation économique, culturelle, pédagogique, touristique et/ou immobilière. Attardons-nous sur deux exemples de reconversion.
Certains sites à l’abandon pourraient avoir un destin comparable à celui d’anciennes mines. Ainsi, le Grand-Hornu accueille le MAC’s (Musée des arts contemporains) et, c’est en compagnie de trois anciennes mines wallonnes (le Bois du Cazier, le Bois-du-Luc et Blégny-Mine), qu’il vient d’être reconnu par l’UNESCO comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité. Le patrimoine sidérurgique suivra-t-il leurs traces ? En Allemagne, le Landschaftspark de Duisburg est un exemple de reconversion particulièrement réussie. Dans cet ancien site sidérurgique de 200 hectares, les bâtiments industriels exceptionnels ont été rénovés et les autres abattus pour faire place à la nature. Des visites sur l’histoire industrielle et des événements culturels y sont organisés. Les sports et les loisirs y trouvent également leur place : vingt-huit kilomètres de pistes cyclables et des circuits de randonnée ont été créés, l’ancien gazomètre est transformé en bassin pour plongeurs et des vestiges industriels se sont mués en murs d’escalade.
D’autres voies ?
Bien sûr, les perspectives évoquées peuvent être combinées et d’autres voies sont probablement encore à inventer.
Quel redressement économique pour la wallonie ?
Le Plan Marshall
Les difficultés de la sidérurgie et de l’économie wallonne ont amené le Gouvernement wallon à lancer le Plan Marshall en 2005 (suivi du Plan Marshall 2.vert en 2009). Ce plan vise à rassembler différents acteurs (économiques, académiques et publics) pour stimuler le développement économique et favoriser la création d’emplois. En résumé, le Gouvernement wallon mobilise des capitaux publics pour :
- Mettre la formation en adéquation avec les besoins des entreprises ;
- Améliorer le niveau de performance dans des domaines d’activités dans lesquels la Wallonie dispose déjà d’un réel potentiel (les pôles de compétitivité) ;
- Poursuivre le réinvestissement dans le secteur de la recherche publique et privée pour atteindre 3 % du PIB ;
- Stimuler l’initiative privée, la création d’entreprises et leur développement en Wallonie ou à l’étranger ;
- Positionner la Région pour qu’elle profite des opportunités à venir dans le secteur du développement durable ;
- Renforcer des services de proximité (crèche, garderie, service aux personnes handicapées et âgées, insertion sociale).
S’il est encore trop tôt pour faire le bilan du Plan Marshall (il faudra attendre quelques années pour se prononcer sur ses effets), il est généralement bien accueilli par les acteurs économiques, sociaux et académiques. Les premiers chiffres (emploi, formation, recherche…) sont encourageants et les pôles de compétitivité sont salués comme étant l’une des réussites majeures de ce plan. Cependant, le Plan Marshall est un plan économique et non une remise en question de notre modèle de société, ce qui peut soulever des interrogations.
Focus sur les pôles de compétitivité
Pour améliorer les performances des entreprises, les pôles combinent les acteurs liés aux entreprises, à la formation et à la recherche et innovation. En s’unissant autour de trois priorités (le partenariat, les projets communs concrets et la visibilité internationale), ils doivent amener de nouvelles perspectives de développement aux entreprises wallonnes et donc des créations d’emplois.
Ainsi, six pôles de compétitivité ont été identifiés : Logistics in Wallonia (transport et logistique) ; Skywin Wallonie (aéronautique et spatial), GreenWin (chimie verte et matériaux durables), BioWin (biotechnologies et santé), WagrALIM (agro-industrie) et MecaTech (génie mécanique).
Horizon 2022
Suite aux derniers accords communautaires, la Région wallonne va recevoir de nouvelles compétences et voir la solidarité fédérale se réduire. C’est pourquoi le Gouvernement wallon travaille au plan « Horizon 2022 ». Encore en débat, il s’inspire du Plan Marshall (tant dans la philosophie que dans la méthode), voit à plus long terme, définit des axes de travail et vise à une meilleure gouvernance (avec notamment la simplification administrative). Rendez-vous en 2022 ?
QUELLE SOCIÉTÉ DÉSIRONS-NOUS CONSTRUIRE ?
Dans le monde globalisé du 21e siècle, la compétitivité économique d’une région joue un grand rôle dans son avenir, mais ce n’est pas le seul élément à prendre en compte : l’avenir d’une région, c’est aussi la capacité de ses habitants à être acteurs de la société et à la transformer. Aujourd’hui, de nombreuses initiatives voient le jour pour envisager un monde qui n’aurait pas le « tout-à‑l’économie » comme horizon. Tous les jours, des citoyens s’engagent au sein d’associations, de collectifs ou individuellement. En s’indignant, en revendiquant et en créant du lien social, ils s’investissent dans la société pour la transformer.
Ainsi, au départ du roman L’homme qui valait 35 milliards de Nicolas Ancion et de son adaptation pour la scène, un vaste ensemble d’expressions artistiques engagées a vu le jour dans le but de questionner notre situation socioéconomique.
L’exposition De chair et d’acier en est issue.