Dans votre livre, vous montrez que la transgression a aujourd’hui changé de camp. La gauche serait en quelque sorte devenue un rouage du système tandis que l’extrême droite a développé un récit pour se rendre cool et rebelle et se présenter comme vecteur de changement. Comment l’extrême droite est-elle arrivée à imposer ce récit ?![]()
D’abord, il faut préciser que ce n’est pas seulement l’extrême droite qui arrive à imposer le récit selon lequel ce serait la gauche qui serait has been et obsolète, mais c’est aussi la droite. Ensuite, oui, la posture de rébellion contre un système, longtemps incarné par la gauche, avec par exemple Mai 68, est aujourd’hui assimilée à la droite et à l’extrême droite. Par exemple, le président Javier Milei s’est fait élire en Argentine en développant l’image de quelqu’un qui ne respectait rien, qui faisait fi des normes en vigueur, et qui brisait les codes. A contrario, la gauche joue généralement en suivant les règles du jeu. Et de plus, elle est souvent dans une position de défense des conquêtes sociales. Un véritable filon pour la droite et l’extrême droite qui utilisent cette posture pour l’accuser de conservatisme.
En Belgique francophone, pour les élections de juin 2024, la gauche a ainsi jugé opportun de défendre les conquêtes sociales et de défendre, à raison, tous·tes les travailleur·euses — fussent-ils chômeur·euses. Hélas, cela a été exploité par la droite, MR et Engagés, pour dénoncer une posture défensive, has been et qui en plus défendrait les prétendus « assistés », ces « profiteurs du système ». Une rhétorique gagnante pour le moment contre laquelle aucun contre-discours n’a été élaboré. Pourtant, on aurait pu, par exemple, se baser sur cette idée marxienne de « l’armée industrielle de réserve », c’est-à-dire l’idée que s’en prendre aux droits des chômeur·euses, c’était en fait s’attaquer aux travailleurs et travailleuses-mêmes puisque les chômeur·euses sont le meilleur outil que les patrons possèdent pour faire pression à la baisse sur les conditions de travail et les salaires. Bref que si à gauche on prenait la défense des chômeur·euses de longue durée, c’était bien pour défendre les salariés·e. Ce lien-là n’est plus fait, ni par le personnel politique ni par les électeur·trices. Il est à retisser.
L’extrême droite semble avoir trouvé des stratégies gagnantes. On constate qu’ils vont souvent se servir des procédures judiciaires à leur encontre pour se victimiser en disant : « voyez comme on dérange le système ». Démonter rationnellement et point par point leur programme porte peu auprès de leur électorat. Rappeler leurs racines fascistes semble aussi devenu inopérant… Que faire face à cette extrême droite qui parait pour ainsi dire invincible ?
Effectivement, le rappel à la Deuxième Guerre mondiale, même si c’est évidemment exact, ça ne marche plus. Les partis d’extrême droite diront que c’est de l’histoire ancienne, qu’ils ont changé. Ce n’est pas ça qui va convaincre les électeur·trices de changer de candidat·es. De même, le fait de démonter rationnellement leurs arguments va rarement modifier l’opinion de celles et ceux qui prennent pour argent comptant tous les bobards et fake news qu’iels débitent à longueur de temps, mais au contraire les conforter dans leur avis. C’est pour cela que je pense qu’il faut que la gauche aille plutôt sur les terrains des émotions et du rêve.
En France, je pense d’ailleurs que le succès électoral du Nouveau Front Populaire (NFP) est en partie la conséquence de la mise en avant d’un programme politique qui n’a pas cherché à être le plus réaliste ou le plus pragmatique possible – ce qui est un écueil –, mais qui donnait au contraire une série d’horizons désirables. C’est vers ça qu’on doit aller, et non pas un programme chiffré par le Bureau du Plan : quelque chose qui ose faire rêver. Je ne crois pas en effet qu’on aurait obtenu beaucoup de nos conquêtes sociales si on avait dû les faire « chiffrer ». La campagne du NFP n’a pas cherché à faire la course à l’échalote du programme le plus réaliste, mais a joué sur le désir et les utopies sociales : changer la vie. Leurs affiches réalisées par une multitude de graphistes bénévoles ont enchanté la campagne. Il faut oser changer la manière dont on fait de la politique à gauche.
Une arme souvent utilisée à gauche contre l’extrême droite, elle aussi sans doute vouée à l’échec, c’est celle de mettre en avant leur incompétence supposée, leur nullité en communication. Cette position de mépris de la part de leurs détracteurs, dès lors perçus comme très arrogants, a même tendance à les rendre sympathiques auprès d’une frange de leur électorat populaire qui se sent elle-même globalement méprisée socialement. Cette critique basée sur l’incompétence peut-elle s’avérer contre-productive ?
En France, pendant l’entre-deux tours, le monde culturel s’est levé contre l’extrême droite et a battu campagne avec les meilleures intentions du monde. Mais je me demande si ça n’a pas été effectivement contre-productif car largement interprété par l’électeur d’extrême droite de base comme étant une manifestation de plus d’une élite qui se moque de lui et lui dit quoi faire… lui donnant alors une raison de plus d’aller voter extrême droite.
C’est pourquoi il faut vraiment réfléchir à ce qu’on fait, comment on le fait et éviter toute posture paternaliste, qui peut être perçue comme du mépris. Je pense qu’on regagnera cette électorat-là en le rencontrant sur le terrain d’une part. Et en développant des éléments et arguments qui font rêver d’autre part. Et ce qui fait rêver, ça peut être tout simplement la réouverture d’un bureau de poste, d’un hôpital, d’une école dans une zone où les services publics ont disparu, là où il y a un fort besoin de lieux qui créent du lien social.
Un antidote puissant, ce serait donc de jouer sur cet imaginaire du service public comme « patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas » et défendre son redéploiement ?
Oui, tout à fait. Mais à condition de ne pas se limiter à simplement une attitude défensive des services publics tels qu’ils existent aujourd’hui. Il faut non seulement les sortir de la gangue néomanagériale dans laquelle ils sont aujourd’hui coincés, mais aussi adopter une attitude beaucoup plus offensive. C’est-à-dire promouvoir la création de nouveaux services publics ! Des services qui répondent aux demandes et besoins actuels des citoyen·nes. Il faut repartir du principe que chaque besoin humain fondamental doit être couvert et organisé par des services publics. Par exemple, on vit dans une société où on ne peut plus vivre sans internet. On peut donc imaginer un service public d’internet qui s’occupe de le rendre accessible à tous et toutes.
L’extrême droite tente depuis quelques années dans ses discours de s’approprier la question sociale pour capter le vote populaire. Or, pendant la campagne française, on a vu des candidat·es RN acculé·es, forcé·es d’admettre que non, iels ne reviendraient finalement pas sur l’âge du départ à la retraite ou n’augmenteraient pas le salaire minimum… Est-ce que montrer que l’extrême droite a en réalité à cœur de ne pas effrayer le grand capital peut constituer une brèche à exploiter ?
Il est important de, dès que c’est possible, déconstruire ce qu’on appelle « la posture sociale nativiste » de l’extrême droite [Le nativisme est l’idée selon laquelle le degré d’appartenance à une nation se mesurerait en termes d’« ancienneté » – NDLR]. Montrer à quel point il existe un décalage entre des discours se voulant très « sociaux » et les votes de leurs élu·es qui ne vont jamais soutenir une mesure sociale concrète pour effectivement ne pas effrayer le capital. Cette stratégie visant à « éclairer le vampire » peut s’avérer payante pour toute une partie de leur électorat qui va dès lors s’apercevoir de la supercherie. L’extrême droite a voté contre une Directive sur le salaire minimum au niveau européen. Iels ne se sont jamais opposés au passage de la retraite à 67 ans en Belgique en 2014, etc. Les exemples sont nombreux prouvant qu’ils ont systématiquement un comportement au niveau parlementaire en faveur du banc patronal, ça il faut le montrer évidemment.
Par ailleurs, il faut aussi rappeler que leur programme « social » repose en grande partie sur des mesures qui ne seraient accessibles qu’aux « locaux » avec une logique où l’on réserve par exemple l’accès aux logements sociaux aux seul·es « Belges de souche ». Or, iels savent bien que c’est anticonstitutionnel et que cela ne passera pas le cap de la Cour constitutionnelle. C’est ce que le RN promeut en France depuis des décennies sous le terme de « préférence nationale ».
L’extrême droite a aussi dans son ADN l’idée de diviser les travailleur·euses en stigmatisant les précaires et chômeur·euses pour les opposer aux travailleurs·euses. Des mesures discriminatoires sont par exemple déjà tentées en Flandre comme celle que propose le ministre du Logement, Matthias Diependaele (N‑VA), qui veut rendre prioritaires les personnes « au travail » dans l’accès aux logements sociaux. Mais là encore, ce devrait être prochainement bloqué par le Conseil d’État.
Ça touche à un autre point : pas besoin que l’extrême droite soit au pouvoir pour que leurs idées soient reprises par des dirigeant·es et mises en place. Par quel truchement cela peut-il se produire ?
Effectivement, pas besoin qu’elle soit au pouvoir pour l’exercer… En termes d’hégémonie culturelle, on a assisté à une véritable normalisation et banalisation de ses idées dans le discours politique. Ces idées ont percolé et se traduisent par la suite en mesure et lois décidées généralement par des partis traditionnels de droite, mais pas seulement. En Belgique, bon nombre de propositions du « Plan en 70 points » sur l’immigration émise par le Vlaams Blok en 1992 (« 70-puntenplan ») ont ainsi été mises en œuvre ces dernières décennies par tous les partis traditionnels. Je pense à la création d’un poste de secrétaire d’État à l’Immigration, à la multiplication des centres fermés pour étranger·ers, aux expulsions collectives, à l’établissement d’une liste des pays supposés sûrs et pour lesquels leurs ressortissant·es auront par conséquent moins de chances d’obtenir l’asile, au durcissement des conditions d’obtention de la nationalité belge…
Par ailleurs, on l’a constaté lors des dernières élections, il semble que parler comme l’extrême droite s’avère une stratégie électorale payante. Quand Pierre-Yves Jeholet (MR) va dire en substance dans un débat télévisé à Nabil Boukili (PTB), un député belge d’origine maghrébine, que si les règles ne lui plaisaient pas, alors il pouvait rentrer chez lui, on est dans un racisme pur et dur. Ce n’est pas un dérapage, comme on a pu le penser à l’époque, mais cela a en réalité constitué un véritable appel du pied à un certain électorat. Et de fait, au lieu de causer des dommages au MR, cette séquence lui a au contraire permis de capter un électorat raciste. Car loin de la bronca et des réactions outrées sur les antennes des médias traditionnels, sur les réseaux sociaux, sa sortie a été saluée par une frange de l’extrême droite comme un « il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ». Aujourd’hui, on peut donc considérer qu’il y a un bonus aux discours d’extrême droite qui est donc repris par des politicien·nes de droite par stratégie et pur calcul politique. C’est d’autant plus dangereux que la parole extrémiste échappe de ce fait au cordon sanitaire et a donc de nouveau droit de cité sur les ondes francophones.
On l’a évoqué, une des stratégies de l’extrême droite, c’est de s’adresser aux déclassé·es socialement en leur promettant, par le biais de la « préférence nationale », une meilleure place dans la hiérarchie sociale. Est-ce que le succès électoral que provoque cette promesse est d’autant plus fort que la gauche a eu tendance à négliger la question sociale voire à participer à diffuser des idées néolibérales antisociales ?
Depuis 1989 et la chute du Mur, les partis sociodémocrates ont décidé de ne plus lutter contre le capitalisme, mais de l’accompagner. C’est la « Troisième voie » ou « le Nouveau centre » en Allemagne. Avec cet abandon, rien n’a empêché le logiciel néolibéral d’entrer dans les têtes de chacun·e de manière profonde. Et au bout de plusieurs décennies, on doit bien finir par payer les pots cassés. Les gens se sentent abandonnés parce qu’on a laissé les services publics réduire leur champ d’action, se déliter, fermer. Qu’on songe seulement à l’Hôpital public… Il est même dans un pire état encore qu’avant la pandémie où on avait pourtant pu constater toute la nécessité de réinvestir cet outil en moyens financiers et humains, d’améliorer les conditions de travail et de revenir à un mode de gestion plus proche des besoins de santé des patient·es et de la logique du soin (et non pas de la vente de soins). Mais la logique néolibérale ultraprégnante a empêché toute évolution en ce sens, au contraire. On peut aussi penser à l’accélération de la numérisation d’administrations ou services d’action sociale, là encore durant la crise sanitaire liée au Covid, au risque de laisser sur le carreau bon nombre de personnes en situation de fragilité numérique…
Ce sentiment d’abandon des citoyen·nes, qui se traduit par l’état de déliquescence de nos services publics, est l’une des principales sources du vote d’extrême droite. Cette colère-là est captée par l’extrême droite d’autant plus que les partis de gauche ont eu la fâcheuse tendance à les abandonner à leur triste sort. Et cela ne va malheureusement pas s’arranger avec le carcan austéritaire européen concernant les budgets des États qui se profilent à l’horizon. Car c’est encore dans les soins de santé et dans les services publics qu’on va aller sabrer. Ce qui risque de nourrir encore plus ce ressentiment, donc l’extrême droite. À moins que ne s’élabore une riposte de gauche digne de ce nom…
Et qu’on se souvienne que lors de la pandémie, du jour au lendemain, on s’est affranchi de ce carcan budgétaire européen : il n’existait plus ! Donc si ça a été possible à ce moment-là, ça devrait être envisageable concernant d’autres défis tout aussi existentiels pour les habitant·es de ce pays, pour les urgences sociales ou environnementales auxquelles on fait face.
Est-ce que le propos général de votre livre c’est de montrer que ce n’est pas tant l’extrême droite qui est actuellement très performante, mais qu’elle profite d’une profonde crise de la démocratie. « Re-démocratiser la démocratie » pourrait-il permettre de couper les dynamiques qui portent l’extrême droite ?
La clé c’est justement la démocratie. Mais la démocratie pas telle qu’elle fonctionne actuellement. C’est-à-dire par la démocratie représentative loin des citoyen·nes, celle des petits jeux de politique politicienne. Il y a un véritablement enjeu de repolitisation de la société et de réappropriation de la chose publique : ne plus faire comme si la politique et les prises de décisions devaient se faire au-dessus des citoyen·nes, mais le faire avec eux. La démocratie, ça n’est pas qu’aller voter une fois tous les cinq ans. Elle commence dans les entreprises c’est la démocratie économique. S’il n’y a pas une reprise en main de la chose démocratique, si les partis ne comprennent pas et n’accompagnent pas ce besoin, alors on va continuer de nourrir le dégoût, le ressentiment et provoquer le rejet. Ça ne peut que renforcer l’extrême droite.
Est-ce que le 9 juin 2023, on a échappé au pire avec un succès du Vlaams Belang moindre que prévu ou est-ce que ce sont des résultats en trompe‑l’œil ?
Une chose qui m’a semblé frappante au niveau du traitement médiatique des résultats électoraux, c’est qu’on a dit qu’en Belgique, « ouf, on l’a échappé belle » parce que le Vlaams Belang (VB) n’avait pas obtenu une majorité avec la N‑VA… Mais ce faisant, on oublie bien vite que c’est ce parti qui a gagné les élections en termes de nombre d’électeur·trices. Et qu’il progresse de manière constante depuis plusieurs années. Ça aurait quand même dû interpeller ! En Flandre, on est dans un état de sidération. En Belgique francophone, c’est plus du déni. D’autant que le haut score du MR a occulté le fait que le VB avait réalisé une progression historique.
On a coutume de dire qu’en Belgique francophone il y a très peu d’extrême droite, en tout cas pas organisée. Pourtant, les discours d’extrême droite sont eux fréquents. Comment se jouent les choses côté francophone ?
Le 10 juin 2024, la seule bonne nouvelle pour nous qui sommes de gauche, c’est le fait que l’extrême droite n’a pas obtenu un seul élu en Belgique francophone. C’était réjouissant et c’est notamment le fruit du travail des fronts antifascistes. Par contre, comme on l’a déjà évoqué avec la sortie de Jeholet, les propos qui flirtent avec des discours d’extrême droite se sont multipliés et ont souvent été le chef de membres du MR. Des éléments de langage de l’extrême droite se retrouvent petit à petit et de manière insidieuse dans les discours politiques de la droite voire au-delà, dans la population plus généralement. C’est comme ça que l’hégémonie culturelle se dissémine. On sait que parler avec les mots de l’adversaire, c’est rendre les armes. On risque de se retrouver bien démuni le jour où on utilisera exclusivement leurs termes.
Chez nos voisins français, ce phénomène est également à l’œuvre. Voir le président de la République française lui-même, Emmanuel Macron, reprendre des termes issus du vocable de l’extrême droite tels que « ensauvagement », « décivilisation », ou « immigrationnisme » est assez désolant en termes de pollution lexicale du débat public. C’est sa fameuse stratégie dite de « triangulation », des appels du pied électoral à l’extrême droite par l’usage de certains termes qui leur sont propres. C’est catastrophique car cela ne fait que renforcer et légitimer le discours de l’extrême droite.
Un grand récit, celui de l’invasion migratoire et du « grand remplacement », né au sein de l’extrême droite et au départ confidentiel, tend à devenir de plus en plus grand public et en tout cas trouve peu à peu sa place au sein des droites. Quel grand récit à gauche pourrait-on lui opposer concernant les migrations ?
Ce que je veux d’abord dire peut paraitre paradoxal, mais je pense que le grand remplacement est à prendre comme un fait. Statistiquement et démographiquement, c’est effectivement ce qui se passe, et c’est très bien comme cela. La dernière partie de ma phrase est importante : « et c’est très bien ». Qu’on le veuille ou non, on vit dans une société de plus en plus diversifiée. C’est une bonne chose en soi.
Ensuite, je ne suis pas persuadé que ça soit en focalisant sur le récit de l’adversaire qu’on va gagner. C’est-à-dire que par rapport à ce récit-là, il faut apporter un récit plus fort. Alain Deneault au sujet de la « gouvernance » disait qu’il fallait « en rire et puis passer à autre chose ». C’est la même chose avec toutes les chausse-trappes que la droite nous met dans les pieds. Pourquoi perdre du temps à répondre aux accusations de « wokisme » ? On s’en fout, ça n’est pas un débat. Allez hop, on les ignore, on évacue ces faux débats pour revenir sur le terrain des vrais sujets qui nous concernent tous·tes. C’est-à-dire des conditions de vie de chacun·e. Se poser des questions comme : Vers quoi on veut aller ? Quel changement dans la vie des gens on veut provoquer ? Comment est-ce qu’on le met en place ? Avec quels outils ? Ce sont ces débats de société dont on a besoin, pas de leurs foutaises.
Je ne prétends pas avoir la solution, mais il faut développer un récit qui, plutôt que de reposer sur la peur, travaille sur l’espoir. Un récit qui présente des utopies concrètes et qui fait rêver. L’extrême droite et la droite utilisent des passions tristes et des peurs, on le sait. Notre devoir, c’est de tenir un récit qui capte la colère pour la faire aller vers l’espoir. Je pense que tous les mouvements de gauche doivent prendre le temps de la réflexion et présenter un projet digne de ce nom. C’est-à-dire qui nous fait nous projeter, qui fait rêver. Le redéploiement des services publics qu’on évoquait, mais aussi la question de la re-démocratisation de la démocratie et la question de la redistribution des richesses via une réforme fiscale juste et digne de ce nom. Plus globalement, retrouver un cadre de conflictualité organisée tel que la lutte des classes… Bref, dérouler de nouveau une lecture classiste pour concurrencer la proposition raciste de préférence nationale.
Olivier Starquit, Le poing, la rose et le putois, Territoires de la mémoire, 2024