Sioen tu viens de sortir ton quatrième album et pourtant il me semble que tu restes peu connu dans la partie francophone du pays. Peux-tu nous raconter ton parcours musical ?
Mon parcours a débuté très tôt, mon père était professeur de musique. Il m’a poussé dans cette direction. J’ai joué de la flûte traversière, puis de la flûte classique pendant 11 ans. À l’âge de 16 ans, j’ai commencé à écouter de grands artistes, j’ai ensuite rejoint un groupe de rock dans lequel j’ai chanté et composé des mélodies sur mon piano. Je me suis produit en concert pour la première fois en 2000, aujourd’hui voilà déjà 12 ans que Sioen l’artiste existe, le temps passe vraiment vite. À l’instar de beaucoup d’artistes, j’ai eu la chance de jouer dans des festivals comme les Rockalies au Havre et j’ai fait énormément d’autres concerts avant la parution de mon premier album.
Essentiellement au Nord du pays ?
Oui, simplement en piano voix, j’ai commencé à jouer partout où je pouvais, surtout à Gand où j’habite. Dans les bars, j’avais mon propre jour de programmé où je me produisais en live. Cela m’a permis de rencontrer mes premiers fans. Au début, on m’a dit de me produire au maximum et en priorité à Gand ou à Louvain car c’est là que la population estudiantine est la plus forte. Ce qui est encourageant avec un public comme les jeunes, c’est qu’ils achètent ta démo et l’écoute directement en rentrant chez eux. Quand j’ai sorti l’album en 2003, il était déjà très attendu par le public, donc si je peux donner un conseil aux jeunes musiciens, ce serait de multiplier le plus possible le nombre de petits concerts afin acquérir de l’expérience et voir comment les gens accueillent votre musique. Pour moi la musique doit avant tout toucher les gens. Gérard Mortier actuellement directeur de l’opéra de Paris m’a dit « Sioen tu n’es pas un musicien de pop tu es un ‘’Tambour’’ ». Cette réplique a certes une teinte médiévale, mais je la prends comme un compliment. En effet, je ne me considère pas comme un showman, je préfère être proche du public. C’est comme un art qui unit le public et la musique. Je ne veux pas créer des choses artificielles, mais de vraies émotions, des choses concrètes.
Tu es un artiste engagé contre le racisme avec entre autres Arno et Tom Barman (le chanteur de Deus). Tu t’investis aussi dans des campagnes comme celles d’Oxfam international. Quel type de message veux-tu faire passer ?
C’est pour moi quelque chose qui va de pair avec le public, je m’identifie d’ailleurs à mes idoles de la musique comme Bob Dylan ou Bob Marley, des groupes et des artistes aux textes engagés. Personnellement j’ai aussi eu une éducation très ouverte socialement parlant. Ainsi quand nous jouions en concerts, nous donnions une partie des bénéfices pour ce type de causes. J’ai d’autres projets avec Oxfam ou Belgavox dans lesquels nous allons collaborer avec des musiciens africains. C’est là une belle occasion de découvrir une nouvelle culture. La musique n’a pas de frontières et c’est ce qui me plaît. La musique me donne un alibi pour être un chanteur engagé, entendre simplement mes morceaux diffusés sur les ondes, cela ne me suffit pas à me sentir utile.
Quelles sont tes influences et tes références musicales ?
C’est difficile de parler de références. J’ai mon univers, je joue simplement avec mon piano. C’est ce qui donne une couleur spécifique à ma musique. Mais j’aime des tas d’autres styles comme le funk, la musique classique, en réalité Je suis très ouvert ! Le mélange des genres permet d’obtenir une sorte de mélancolie. Un style particulier ne me permet pas de laisser une empreinte. Mon idole, c’est Damon Albarn de Blur et Gorillaz. C’est quelqu’un de très engagé, il ne s’est pas laissé caser dans un style unique. En général, on ne parle pas d’un style mais d’une identité. Je me sens Gantois mais je me sens aussi enfant de Jacques Brel ! Je me sens belge, européen et dans mes concerts et ma musique, je souhaite insister sur le fait que nous ne sommes pas wallons ou flamands mais belges avant tout.
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As-tu des contacts avec des artistes francophones ?
J’ai fait la première partie de Girls in Hawaii. J’ai joué également avec Sharko à Paris et fais une tournée avec Puggy. Je connais les artistes et j’essaie au maximum de les suivre mais ce n’est pas évident car les médias sont divisés. On ressent toujours cette cassure linguistique. Je trouve que nous devons stimuler des échanges. Faire le contraire est stupide, nous devrions nous soutenir davantage les uns les autres. C’est une façon de penser qui doit débuter très jeune, il faut favoriser les rapports mais je ne me fais pas de soucis car les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup d’énergie positive.
Est-ce que tu connais le projet de la ministre de la culture Fadila Lanaan qui propose qu’un certain quota de groupes ou chanteurs néerlandophones passent sur les ondes francophones et vice et-versa ?
Non, mais c’est une excellente idée ! C’est bizarre car quand je joue à l’étranger tout le monde parle d’un groupe belge et non d’un groupe linguistique.
Passons à ton nouvel album intitulé « Sioen. ». Considères-tu que c’est ton album le plus abouti ?
C’est l’album le plus représentatif de ce que je suis. Après ma collaboration avec les musiciens africains, j’ai eu une longue pause lors de laquelle j’ai pu réfléchir à ce que je voulais faire et dire. Je voulais parler de mon passage à la trentaine, faire découvrir qui est vraiment Sioen. J’ai travaillé également avec d’autres artistes, c’était comme si je me regardais dans un miroir et je me suis comparé à eux pour mettre en avant mes faiblesses, mes qualités.… Comme j’écris mes textes, j’ai voulu parler de moi sans me fourvoyer, je suis heureux car mes amis estiment que cet album est celui qui me ressemble le plus.
Quels sont les thèmes abordés dans cet album ?
C’est cliché mais c’est en grande partie l’amour. L’amour d’une femme, l’amour de la vie… L’amour c’est quelque chose de positif et c’est grâce à la positivité que l’on réussit ce que l’on entreprend.
Est-ce que cet album marche bien ?
J’ai beaucoup de plaisir car je sens que les gens ont compris l’album et ce n’est pas souvent le cas. Cela me rend vraiment heureux quand on me dit que ma musique donne l’impression d’être transporté en Été… Je ne fais pas de la house music qui passerait dans les discothèques, je préfère qu’on assimile ma musique à quelque chose de festif et joyeux.
Tu as réalisé un clip avec le chorégraphe Alain Platel, tu t’intéresses vraiment à la danse ? Tu l’as pratiquée ?
Je ne l’ai pas pratiquée, mais quand j’avais 15 ans, je distribuais des flyers comme petit job et c’est là que j’ai eu l’occasion de le rencontrer au théâtre, je suis devenu très vite fan. Par la suite, puisqu’il est lui aussi gantois, nous avons noué beaucoup de contacts. C’est quelqu’un d’important pour moi car il est très humain. J’aime son énergie et j’aime le faire connaître aux autres. Cela résulte de l’ouverture d’esprit.
Quels sont tes projets scéniques dans les mois qui viennent ?
Nous avons déjà programmé des festivals cet été jusqu’à présent surtout en Flandre. Je jouerai à Gand, à Ostende, à Eupen… des dates sont déjà confirmées mais pas encore communiquées.
Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
J’ai écouté l’album de Connan Mockasin. J’aime beaucoup les Flaming Lips
J’écoute plein de choses, il est vraiment très difficile de choisir.
Je terminerais en disant que j’ai une grande envie de venir jouer en Wallonie. Je me suis déjà produit aux Ardentes, aux Francofolies et c’était génial, j’aimerais renouveler l’expérience