Sans pouvoirs juridictionnels, le Tribunal Russel sur la Palestine (TRP) est une initiative citoyenne, un tribunal d’opinion international créé par un groupe de citoyens engagés dans la promotion de paix et de la justice au Proche-Orient qui n’en possède pas moins un poids moral et opère en suivant une démarche rigoureuse dans l’établissement des faits dans un respect strict des normes juridiques internationales. Le TRP se base sur un précédent, le Tribunal Russel sur le Vietnam, qui en 1967, à l’initiative du scientifique Bertrand Russel, condamna les États-Unis pour leur action au Vietnam et dans lequel Jean-Paul Sartre siégea.
Les quatre sessions du TRP (Barcelone et Londres en 2010, Le Cap 2011 et New York 2012) ont permis d’établir les responsabilités et les complicités des États, des entreprises et des institutions internationales dans la poursuite de l’occupation des Territoires palestiniens et dans la perpétuation des violations du droit international commises par Israël.
26 RECOMMANDATIONS POUR METTRE FIN A L’IMPUNITÉ D’ISRAËL
Un jury, composé notamment de Roger Waters (membres des Pink Floyd) ou de Angela Davis (figure historique du mouvement pour les droits civiques des noirs aux États-Unis) mais aussi de juristes aguerris ont adopté 26 recommandations pour de futures actions. Cette session a également été l’occasion de rendre hommage à Stéphane Hessel, parrain de cette initiative qui a constitué son dernier combat et dont il n’aura malheureusement pas vu les conclusions.
C’est Angela Davis (voir interview ci-contre), qui a prononcé les conclusions devant une salle pleine à craquer.
Il s’agit de dénoncer ce régime comparable à celui mis en place lorsque l’apartheid était en vigueur en Afrique du Sud et de permettre de faire pression sur l’État d’Israël. Invitation à la Palestine à saisir la Cour Pénale Internationale, suspension des accords d’association UE-Israël, fin des importations de produits provenant de colonies israéliennes dans les territoires occupés, reconstitution d’un Comité spécial contre l’apartheid au sein des Nations-Unies visant à mettre en cause les pratiques d’Israël envers les Palestiniens.
Israël a été déclaré coupable de sociocide c’est-à-dire de « destruction de la capacité d’une société à se maintenir dans le temps, et cela par la destruction de ses structures politiques et sociales, mais aussi par la destruction des éléments matériels et immatériels constitutifs de son identité partagée ». Ont été pointées les maintes complicités de multinationales, de l’Union européenne ou des États-Unis et des faiblesses des Nations-unies dans leur action à établir plus de justice et suivre leurs propres résolutions.
Si les autorités israéliennes ont rejeté ces conclusions comme nulles et non avenues car émanant d’un organisme sans poids légal, nul doute que le poids symbolique peut peser dans la balance comme ont pu dans le passé jouer les multiples condamnations morales de l’apartheid en Afrique du Sud.
La capacité de sanctionner et de mettre un terme aux violations du droit international à l’encontre du peuple palestinien et aux complicités établies par le Tribunal au niveau international, repose à présent sur la capacité des mouvements citoyens dans le monde à reprendre les conclusions du Tribunal pour exercer les pressions nécessaires sur les gouvernements, les parlements et les entreprises afin qu’ils changent radicalement leurs politiques et leurs pratiques.
L’ensemble de conclusions et recommandations du TRP sont disponible sur le site www.russelltribunalonpalestine.com
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ANGELA DAVIS : MINI-INTERVIEW
Pourquoi êtes-vous à Bruxelles aujourd’hui ?
Je viens participer à la session finale du Tribunal Russel sur la Palestine. On prépare à présent toutes les preuves et éléments que nous avons collectés durant les quatre sessions du tribunal et on réfléchit à comment utiliser ces éléments de la manière la plus efficace possible pour permettre un mouvement durable en soutien à la liberté en Palestine.
En quoi cela correspond-il à des combats que vous avez menés jusqu’ici ?
Je suis impliquée dans le mouvement de solidarité à l’égard du peuple palestinien depuis plus de 40 ans. C’est quelque chose de très présent dans mon cœur. Je pense qu’il y a d’importants parallèles que l’on pourrait dresser entre la campagne historique pour les libertés menée par les Noirs aux États-Unis et la lutte actuelle du peuple palestinien contre le régime raciste d’apartheid de l’État d’Israël.
Quel est le meilleur moyen d’obtenir une Palestine indépendante selon vous ?
Notre rôle, pour nous qui ne sommes pas palestiniens, est de suivre ce que nous indiquera le peuple palestinien. Ils décideront pour eux-mêmes de la manière dont ils envisagent l’aboutissement de leurs luttes. Ceux d’entre nous qui sont engagés dans ces mouvements de solidarité tout autour du monde doivent faire en sorte que soit maintenue une attention constante sur ce régime d’apartheid de l’État d’Israël, sur le fait qu’Israël continue de commettre des crimes internationaux, des crimes contre l’Humanité, contre le peuple palestinien. Nous espérons que le résultat de ces luttes profitera non seulement au peuple palestinien mais aussi à tous les peuples tout autour du monde.